- Les abandons de poste et les refus d’obéissance individuels ne sont pas rares lors des offensives. Fin avril 1917, les premiers mouvements collectifs apparaissent au Chemin des Dames. Le « mouvement de défection du 321e RI » est le premier vraiment important …
- Le 321e RI, qui devait suivre l’attaque du 16 avril pour exploiter son succès vers Laon, subit d’importantes pertes, dont son colonel, au sud de Cerny-en-Laonnois. Il est mis en réserve le 25 avril dans les tranchées et carrières de Fuleta, près de Chivy, ou dans celles de Madagascar.
- Le 2 mai, l’ordre de remonter au front est accepté avec mauvaise humeur (on remet souvent en cause la préparation d’artillerie, qui n’a pas assez affaibli l’ennemi) et des soldats manquent lorsque les compagnies, notamment les 13 et 14e, arrivent à leurs positions d’attaque.
- On complète le régiment avec une centaine d’hommes provenant du dépôt. Parmi eux, le sous-lieutenant Auguste Jaumes, qui disparaît dans la nuit du 2 au 3 mai …
- Des rumeurs nombreuses circulent sur des refus d’obéissance dans des régiments voisins.
- Au total, il y a 122 absents, dont Jaumes, lorsque le régiment parvient à ses positions d’attaque. La plupart réapparaissent quelques jours plus tard, quand le régiment est renvoyé au repos. Pendant ce temps le bilan pour le 321e est lourd : 87 tués, 274 blessés et 41 disparus en deux jours, les 5 et 6 mai.
- Pour expliquer leur défection, la plupart des soldats mettent en avant des raisons personnelles, même si « la dépression moral est le point commun à tous ». Certains remettent en cause leurs sous-officiers, qui les auraient incités à la révolte. « Mais les témoignages de beaucoup de soldats révèlent surtout leur grande détresse morale et physique » (ils évoquent notamment la mort de leurs frères ou de leurs proches, le manque de nouvelles de leur famille).
- Ne pouvant juger tous les mutins, on décide de déférer ceux qui sont à l’origine du mouvement : on arrête finalement une liste de 33 noms.
- Le sous-lieutenant Jaumes est jugé par contumace, condamné à mort (24 août 1917). Rayé du contrôle des déserteurs en 1938, il meurt à Agde en 1956.
- On juge aussi les sergents chargés de rechercher les fuyards, accusés de provocation à la désertion.
- Les autres accusés sont souvent de « bons soldats » qui se sont cachés pour ne pas monter en première ligne, certains ayant aggravé leur cas par leur attitude au moment de leur arrestation ou par le délai mis pour regagner leur compagnie.
- « En définitive, les 31 soldats déférés devant la justice n’ont rien de “meneurs”. »
- La première séance du conseil de guerre (8 juin 1917) est sévère : deux condamnations à mort (la grâce est accordée). Mais la deuxième est plus modérée : on souligne les difficultés matérielles et morales des soldats. « Trop de fatigue, la désillusion causée par les attaques précédentes, le sentiment d’être promis à une mort certaine, ont créé une sorte de sentiment commun de survie qui les a conduits à se cacher. » On requalifie les accusations (l’abandon de poste « sur territoire en état de guerre » remplaçant l’abandon « en présence de l’ennemi »), et la plupart des accusés sont condamnés à des peines de prison avec sursis.
- Lorsqu’on demande des comptes au juge sur leur clémence, « à mots couverts, il s’agit bien d’une mise en cause de l’encadrement des compagnies et du bataillon concernés par les défections. »
- Certains mutins sont jugés alors que ce sont de « bons soldats », d’autres échappent à toute punition malgré leur attitude. « Tout ce la révèle une grande confusion dans la manière dont on été choisis les soldats déférés devant la justice militaire. Il n’y a peut-être pas eu de tirage au sort mais le choix a souvent été incohérent. »
- Après la requalification des accusations, l’enquête remonte au commandant de Contenson et au capitaine André, qui dirigent le bataillon le plus touché et sont accusés de faiblesse, de ne pas avoir assez utilisé la menace pour faire avancer les réticents. Ils sont tous les deux relevés de leur commandement et envoyés au dépôt. « La fatigue et la dépression morale, finalement admises pour les soldats, n’ont pas valu pour les officiers. »
- La particularité de la mutinerie du 321e RI à Vendresse réside donc dans le fait que le conseil de guerre « a minimisé la faute des soldats et désigné les officiers comme principaux responsables. »
Source : Denis Rolland, « Révolte à Vendresse » , in N. Offenstadt (dir.), op. cit., pages 206 à 216
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