- Le 5 juillet
1917, le capitaine Henri Désagneaux reprend le commandement du 6e
bataillon du 359e RI après une dizaine de jours de permission à
Pornichet. « Je pense retrouver le régiment
au repos. Il est toujours en ligne » dans le secteur de la Royère (secteur
très agité, où il est présent depuis le 11 juin). Le 359e a subi
plusieurs assauts allemands violents, qui cherchent à reprendre possession des « observatoires » sur les hauteurs
du Chemin des Dames, notamment le 23 juin ; « après des dures journées, le régiment compte être relevé de jour
en jour. C’est là que je les retrouve. Comme à Verdun, on n’a pu se laver. Les
barbes ont poussé, les figures sont amaigries, les yeux sont jaunes. C’est l’épuisement,
on reste quand même. Mais l’esprit devient de plus en plus mauvais. »
- Dans la nuit
du 5 au 6, le 6e bataillon doit être relevé par le 10e, « qui remonte encore une fois en ligne. A
une heure du matin, personne. On apprend que les hommes ne veulent pas
retourner en ligne. Puis, vers trois heures du matin, alors que le jour va se
lever, il en arrive par petits groupes de quatre, cinq ; c’est la fuite et la foire. On ne sait pas
qui est là, ni où se mettre ; enfin, vers quatre heures, les récalcitrants
ont été ramenés à la raison, la relève peut se faire, mais dans quelles
conditions. Les avions boches planent au-dessus de nous et signalent les
mouvements de troupes. C’est un déluge d’obus de tous calibres. » Une
partie du bataillon part en réserve à la tranchée Bartan, l’autre aux creutes
de Rouge-Maison.
- « Le départ du 10e bataillon
pour cette relève a été épique. Le bataillon était cantonné dans une
champignonnière avec l’état-major de la division. A l’ordre de mettre sac au
dos, personne ne bouge, les bougies s’éteignent, c’est la nuit noire. Chaque
fois qu’un officier allume une bougie, elle est aussitôt éteinte. Le
rassemblement ne peut se faire. Aux ordres donnés, les hommes répondent par des
ricanements ou des injures. Les officiers de la division veulent intervenir,
exhorter les hommes à faire leur devoir, ils sont houspillés. Le temps passe ;
quelques hommes s’équipent et reviennent à la raison ; c’est la nuit
noire. Les officiers, las de leur impuissance, s’arment de leur revolver et
menacent. Aussitôt les fusils se chargent, c’est un bruit de culasse de tous côtés.
On parlemente, on cherche des hommes de bonne volonté pour donner l’exemple et
déclencher les départs. Insuccès. Des officiers équipent eux-mêmes leurs bons
soldats et les font filer un à un. Cela en décide d’autres. C’est ainsi que
nous avons vu tout d’abord arriver de petits groupes. »
Source :
Henri Désagneaux, Journal de guerre
JMO 359e RI : SHD,
cote 26 N 761/10