- Depuis la
mi-janvier 1917, le sous-lieutenant Tézenas du Montcel (5e RIC – 3e
btn – 11e Cie) est
dans les tranchées de Troyon, près de
Cerny-en-Laonnois. Son temps est partagé entre la lutte contre les mauvaises
conditions climatiques et l’organisation de ses troupes.
- Le 2
février, après une alerte nocturne comme il y en a tant, un épisode original
vient égayer la journée …
- « Au déjeuner, nous avons une surprise.
Le capitaine [Pinet] avait un air
mystérieux et satisfait et nous étions avec [le sous-lieutenant] Charrier assez intrigués par l’attente qu’il
nous imposait avant de nous mettre à table et que nos appétits, aiguisés par le
froid, supportaient mal.
Enfin la porte s’ouvre et Guidet, le
cycliste, apparaît, le teint écarlate et la moustache toute givrée. Ses musettes
sont bourrées à éclater et il porte sous le bras une caissette qu’il dépose
avec précaution sur la table. Le capitaine nous regarde du coin de l’œil
pendant qu’on ouvre la boîte. Nous sommes de plus en plus intrigués et nous
approchons …
Stupéfaction : des huîtres ! Le
capitaine est hilare et sa figure respire une satisfaction sans mélange. Guidet
est allé jusqu’à Fère-en-Tardenois et a fait plus de cent kilomètres pour nous
apporter ici cette chose inouïe que nous saluons d’acclamations.
Mais il faut déchanter : les huîtres
sont gelées ! Après une demi-heure d’efforts pour les ouvrir nous les
mettons sur le poêle pour les faire dégeler, et je commence à être vaguement
inquiet sur le résultat de ces préparatifs…
…Mes inquiétudes étaient justifiées : c’est
une faillite ! L’eau de mer a fondu, s’est réchauffée, mais l’huître est
restée gelée, de sorte qu’on a l’impression d’avaler un petit glaçon nageant
dans l’eau tiède et écœurante : proprement ignoble ! »
Source : J.
Tézenas du Montcel, L’heure H. Etapes d’infanterie
14-18
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