- Après deux
semaines de repos autour de Brenelle et Paars, le 306e RI revient en
première ligne le 15 décembre 1915, dans le Bois-Morin au sud de Vailly.
- Le général
Taufflieb, qui commande la 69e DI à laquelle il est rattaché, lui
donne immédiatement des ordres d’action : « Il y aurait lieu de profiter de la crue de l’Aisne pour chercher
à s’emparer des Maisons Brûlées et si possible du retour d’eau ».
Depuis plusieurs jours en effet, de très fortes pluies gonflent la rivière, ce
qui commence à poser de gros problèmes matériels aux deux armées. Dans le
secteur de Vailly, ce sont les Allemands qui rencontrent des soucis lorsqu’il
s’agit de franchir l’Aisne ou de défendre cette zone très plane et faite de
nombreux points d’eau, naturels ou artificiels.
- Après une
brève et forte préparation d’artillerie, la compagnie H (23e)
commence l’attaque, commandée par le capitaine Grésy. Deux patrouilles de
volontaires (sous-lieutenant de réserve Weingaertner / caporal Van Hove) dépasse
la première tranchée allemande, dite de la Maison Brûlée, qui a été
abandonnée ; une demi-section (sous-lieutenant Carlier) les suit quelques
minutes plus tard.
- La première
patrouille atteint le lieu dit la Poche d’Eau. « A ce moment le sous-lieutenant Weingaertner découvre deux abris
dont l’entrée orientée face à l’ouest donne sur la poche d’eau. Il s’y porte
rapidement et tandis que quelques grenades sont lancées sur l’entrée de l’un de
ces abris qui se trouvait éclairé, il y pénètre revolver au poing et somme les
Allemands qui l’occupent de se rendre. Ces derniers au nombre de 17 n’opposent aucune
résistance et se rendent » (quatre sont blessés, ainsi que
Weingaertner, par un éclat de grenade à la cuisse droite).
- Un poste
avancé est immédiatement organisé sur le canal, qui permet d’empêcher une
contre-attaque allemande vers 17 heures.
- Pendant la
nuit, quatre soldats (Camus, Séguin, Léger, Brunet) demandent à pouvoir mener
une patrouille là où ils avaient vu
tomber un soldat allemand dans l’après-midi : son cadavre est ramené dans
les lignes françaises.
- Le
lendemain, l’artillerie allemande « semble
vouloir venger l’échec de la veille », empêchant les travaux défensifs
et blessant deux soldats. Les 17 et 18, la même situation se reproduit, et une
patrouille allemande est même repoussée sans pertes côté français.
- Le dimanche
19, le bombardement allemand est encore plus fort : il devient évident
qu’une action terrestre se prépare. Les Français s’y préparent mais la liaison
entre les anciennes et les nouvelles tranchées est rendue difficile par
l’artillerie ennemie ; l’ensemble des hommes disponible est utilisé, il
n’y a plus de réserve…
- « A 15 heures 15, du retour d’eau, 2
fusées rouges et quantité de fusées blanches s’élèvent dans le ciel, puis une
ligne de grenadiers que l’on peut évaluer à une section et suivie d’une autre
de même force apparaissent. Les premiers s’avancent en lançant leurs grenades
et tiennent le ligne S-N de la gare d’eau à la Villa Brûlée. Entre la première et
la deuxième ligne qui progressent en rampant et par bonds, plusieurs hommes qui
rampent également avancent en poussant devant eux trois mitrailleuses sur de petites
roues. »
- Les Français
tirent sur les assaillants dès que l’artillerie ennemie fait une pause, mais en
vain : les Allemands reprennent ce qu’ils ont perdu le 15 et immédiatement
s’installent défensivement.
- « A 17h30 en avant de nos tranchées du
bateau-lavoir des cris de : « France, ne tirez plus » sont
entendus. Mais en raison de l’obscurité, le commandant de compagnie craignant
une ruse de la part de l’ennemi fait continuer le tir par salve. Cependant
les appels devenant plus pressants, nos hommes demandent le nom de celui qui
pousse ces cris ; le commandant de compagnie entend alors prononcer le nom
de « Clément ». Le feu est alors arrêté car ce soldat appartient en
effet à la première section de la compagnie H (23e). Il peut ainsi
rentrer dans nos lignes et rendre compte que les sergents Thibaud et Lagache,
le caporal Jany ainsi qu’une douzaine d’hommes se trouvent depuis 2 heures dans
les abris métro dont les ouvertures ont été obstruées par les Allemands après y
avoir projeté des grenades.
Le commandant de compagnie demande alors au
soldat Clément d’aller donner à tous ces hommes l’ordre de regagner nos lignes
coûte que coûte. Celui-ci réfléchit quelques secondes puis repart vers nos
anciennes positions ; cinq minutes à peine se sont écoulées, que tout le
détachement bondissant par-dessus les défenses ennemies qui les entourent, regagne
nos lignes, ramenant un des nôtres blessé. Le lieutenant Gallet commandant la
compagnie félicite le soldat Clément de son dévouement. »
- Dans la
soirée, l’état-major du régiment demande une contre-attaque pour chasser les
Allemands. Mais dans l’obscurité et face à un terrain rendu méconnaissable par
les bombardements, les Français ne peuvent progresser face aux défenses
allemandes.
- La situation
redevient ce qu’elle était avant le 15 décembre. Au cours de cette journée, le
306e RI perd deux hommes décédés (le sergent Georges Ferrand et le
soldat Léon Legat) et huit blessés.
A noter que René
Grésy, chef de la compagnie, est tué à Verdun (au Mort-Homme pour être précis,
où le 306e RI est anéanti et disparaît) quelques semaines plus tard,
en mai 1916, après avoir été promu commandant.
Rémond Weingaertner,
qui a mené l’attaque du 15, devenu lieutenant au 332e RI, meurt à
Verdun lui aussi, en août 1917.
Source
principale : JMO du 306e RI (cote 26 N 745/17)
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