(MAJ juillet 2010)
« Cette trace de sentier, qu’on reconnaît quand même à son usure, bouleversé par les entonnoirs, c’est le Chemin des Dames. Cinquante mois on se l’est disputé, on s’y est égorgé, et le monde anxieux attendait de savoir si le petit sentier était enfin franchi. Ce n’était que ça, ce chemin légendaire : on le passe d’une enjambée … Si l’on y creusait, de la Malmaison à Craonne, une fosse commune, il le faudrait dix fois plus large pour contenir les morts qu’il a coûtés. Ils sont là, trois cent mille, Allemands et Français, leurs bataillons mêlés dans une suprême étreinte qu’on ne dénouera plus, trois cent mille sur qui des mamans inquiètes s’étaient penchés quand ils étaient petits, trois cent mille dont de jeunes mains caressèrent le visage.
Trois cent mille morts, cela fait combien de larmes ? »
R. Dorgelès, Le réveil des morts (p. 179/180),
cité par N. Offenstadt dans l’introduction de Le Chemin des Dames – De l’événement à la mémoire
- Ecrivain français
- Amiens 1885 – Paris 1973
- En 1914, Roland Dorgelès (de son vrai nom Lecavelé) mène une carrière de journaliste et fréquente les milieux artistiques parisiens.
- Bien que réformé (accident pulmonaire), il s’engage en août 1914 à Rouen au 74e RI. Après ses classes, il devient mitrailleur au 39e RI, qu’il rejoint dans le secteur de Brimont-Loivre. Il y reste jusqu’à la fin de l’année, avant que son régiment ne soit déplacé autour de Berry-au-Bac.
- Le 16 février, il participe à un violent combat dans le bois du Luxembourg, près de Loivre (« Pas drôle le mardi gras ici », lettre du 16 février 1915).
- En mai 1915, Dorgelès part pour l’Artois, où il est blessé lors des terribles combats de Neuville-Saint-Vaast.
- En septembre, il intègre l’aviation : stratégie d’évitement qui lui permet de se retirer des tranchées, dont il revient traumatisé. Il finit la guerre inspecteur dans l’aviation.
- Pendant les premières années de la guerre, Roland Dorgelès écrit de nombreuses lettres (notamment à sa mère et à celle pour laquelle il a une passion, « Mado »), édités en 2003 sous le titre Je t’écris de la tranchée. Correspondance de guerre 1914-1917.
- De plus, dès 1915, en parallèle à ses activités militaires, il commence l’écriture des Croix de Bois. Le roman, publié en 1919, est couronné du Prix Femina et d’un succès populaire.
- Roland Dorgelès se consacre alors entièrement à sa carrière littéraire. En 1923, il publie Le Réveil des morts, qu’il situe dans l’Aisne, dans lequel il narre les difficultés de l’après-guerre, de la reconstruction des bâtiments, des hommes et des âmes
« Quand un sinistré rentrait au pays, quitté en 1914, et qu’il découvrait de la route de Soissons cet immense écroulement, ce chaos de décombres où disparaissait jusqu’à la trace des rues, il sentait son courage l’abandonner d’un coup. Déblayer ces monceaux, niveler ces crevasses, reconstruire quelque chose sur ce tas de gravats, allons donc c’est impossible !
Pourtant, quand on avait dormi quelques nuits dans sa cave ou sous un toit de carton, quand on avait vécu quelques jours au milieu de ces pierres calcinées, on reprenait confiance. On vivait bientôt dans les ruines comme les soldats dans la boue, on s’y faisait. »
Sources :
http://www.crid1418.org/temoins/2008/04/10/dorgeles-lecavele-dit-roland-1885-1973/
http://www.terresdecrivains.com/Roland-DORGELES
http://www.caverne-du-dragon.com/UserFile/File/Espace_Presse/Dossier%20de%20presse%201919.pdf
http://www.crid1418.org/espace_pedagogique/documents/icono/sortie_guerre.html
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