dimanche 30 novembre 2008

M comme Moulins


- Village situé entre Bourg-et-Comin et Cerny-en-Laonnois, en contrebas du Chemin des Dames
- 100 habitants

- Moulins compte 225 habitants au recensement de 1911. C’est un village qui s’est enrichi grâce à la vigne mais souffre beaucoup de la crise du phylloxéra.

- Reconquis par les Français en septembre 1914, Moulins est déjà en grande partie détruit après ces premiers combats. Le village se trouve à quelques encablures du front, en contrebas.
- En avril 1917, c’est le point de départ (et aussi de repos) des soldats partis à l’assaut du vallon de Troyon et du poteau d’Ailles (64e RI).

- Moulins est anéanti lorsque les combats s’achèvent. La reconstruction, parrainée par le Puy-de-Dôme, s’étale entre 1920 (premiers déblaiements) et 1930 (fin des travaux de l’église Saint-Pierre), dans le cadre de la Coopérative de Reconstruction de Bourg-et-Comin. L’urbanisme du village est profondément modifié et les projets d’embellissement ne voient pas le jour, par manque de moyens. Mais, grâce à diverses subventions, Moulins construit un réseau électrique (1929) et un réseau d’eau potable (1930).
- La population chute fortement à cause de la guerre, qui aggrave l’exode rural (beaucoup d’habitants se réinstallent ailleurs) : 125 personnes peuplent Moulins en 1921, et ce chiffre ne remonte pas par la suite.

M comme Missy-sur-Aisne

(MAJ septembre 2010)





- Village de la rive droite de l’Aisne, en contrebas du fort de Condé
- 700 habitants

- L’avant-guerre à Missy-sur-Aisne est marqué par l’arrivée du train (CBR), de l’électricité et de l’industriel Wolber (il possède une usine de caoutchouc et pneumatiques à Vailly), qui rachète en 1912 le château de Carreux situé à l’est du village. La population est d’environ 250 habitants.
- Les Allemands arrivent à Missy le 1er septembre 1914, dont le pont a été détruit par les Français en retraite. Le 13, les Anglais reprennent le village, mais peinent à s’y maintenir face à l’arrivée de renforts allemands sur les hauteurs, notamment en artillerie lourde ; les dégâts matériels sont déjà considérables. Le secteur reste très disputé pendant plusieurs semaines, y compris après le départ des troupes britanniques.
- Finalement, Missy est en possession des Allemands après leur victoire lors de la bataille de Crouy, en janvier 1915, mais à proximité immédiate de la ligne de front.

- Le 18 avril, les Allemands se replient sur les hauteurs du Chemin des Dames et abandonnent leurs possessions en bordure de l’Aisne. Les ruines de Missy-sur-Aisne sont donc réoccupées par les troupes françaises, qui y installent un poste de secours et un cimetière provisoire. Un semblant de vie peut cependant renaître, les combats s’étant un peu éloignés.

- Entre le 27 mai et le 28 septembre 1918, Missy est à nouveau aux mains des Allemands.


- Après la guerre, le village doit être entièrement reconstruit. La population est tombée à 199 habitants au recensement de 1921, avant de remonter un peu par la suite.




Le site de la commune : http://missysuraisne.free.fr/histoire.htm

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S comme Sermoise

- Village de la rive gauche de l’Aisne, face à Missy, sur la N31 Soissons-Reims
- 350 habitants

- En avril 1917, Sermoise est à proximité de la boucle que le front fait autour de la confluence Aisne-Vesle ; ses creutes servent d’abri aux poilus. La progression française vers les pentes du plateau l’éloigne un peu des combats.

- Sermoise est détruit lors du retrait allemand de septembre 1918 ; l’église médiévale Saint-Rémi est reconstruite entre 1923 et 1925 selon le style néo-gothique en vogue à la fin du XIXe siècle. La population, qui est passée de 275 à 185 habitants entre 1911 et 1921, retrouve presque son niveau d’avant-guerre au début des années 1930.

samedi 29 novembre 2008

K comme Kern (Haïm)

- Sculpteur français d’origine allemande
- Leipzig 1930

- En 1933, sa famille se réfugie en France. Elève à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris dans les années 1950, il devient sculpteur.
- Haïm Kern est l’auteur de la sculpture de bronze « Ils n’ont pas choisi leur sépulture », inaugurée le 5 novembre 1998 par le premier ministre Lionel Jospin sur le plateau de Californie (juste avant qu’il prononce son discours à la mairie de Craonne). Cette œuvre de commande, haute de 4 mètres de haut, a été vandalisée à deux reprises depuis, en 1999 et 2006. Les blessures de l’histoire sont parfois profondes ...



Photographie du 25/09/2008 (4e visite au plateau)

P comme Pontavert

- Village de la rive droite de l’Aisne.
- 600 habitants

- Situé sur un lieu de passage stratégique, Pontavert souffre de plusieurs invasions et destructions dans son histoire (Anglais, Russes, etc.).

- En 1914, Pontavert compte près de 400 habitants. C’est un port dynamique sur le canal latéral, notamment grâce à la production des vastes fermes de la commune. On y trouve aussi une gare depuis 1905, date d’arrivée du CBR (Chemin de fer de la Banlieue de Reims). A noter qu’il y existe encore à cette date la « maison du XVIe siècle ».

- Le village est reconquis par les Français le 15 septembre 1914, lors de combats qui endommagent déjà sérieusement les maisons. Le front se stabilise ensuite quelques hectomètres à l’Est, vers le Bois-des-Buttes.
- Le 10 mars 1917, un violent bombardement allemand détruit le pont métallique sur l’Aisne construit juste avant la guerre. L’offensive Nivelle, malgré son échec, éloigne un peu le village de la proximité des combats. Le village devient un lieu de passage régulier pour les soldats montant au front vers Craonne ou vers Berry-au-Bac.
- Pontavert souffre à nouveau lors de l’offensive Ludendorff de mai 1918 et surtout lors de la contre-offensive alliée, qui anéantit totalement le village.


- Pontavert est adopté par le Cantal dans le cadre des parrainages de la reconstruction (un don d’Aurillac permet l’électrification de la commune). Des cagnas et maisons en bois servent d’abris temporaires aux rares habitants qui reviennent dès la fin de 1918. La population en 1921 n’est encore que de 240 habitants (elle ne remonte à son niveau d’avant-guerre qu’à la fin des années 30). La mairie est inaugurée à un nouvel emplacement en 1926, l’église Saint-Médard en 1931; toutes les maisons ne sont pas reconstruites et l’on rehausse le niveau du village pour le préserver des crues de l’Aisne.


- Pontavert souffre à nouveau des destructions liées aux combats du printemps 1940.


- A la sortie du village, direction Beaurieux, un cimetière français (également connu sous le nom de « Beaurepaire ») rassemble 6 694 corps (1 364 en ossuaire). On y trouve aussi 67 Britanniques et 54 Russes. Il est créé dès 1915 et agrandi en 1919, avec un regroupement de corps enterrés jusque-là dans les cimetières allemands de la région.

vendredi 28 novembre 2008

C comme Chevallier (Gabriel)

- Ecrivain français
- Lyon 1895 – Cannes 1969

- Etudiant aux Beaux-Arts, Gabriel Chevallier est mobilisé en 1914. Blessé en 1915 dans l’Artois, il retourne au front après sa convalescence.

- En 1917, il est au Chemin des Dames (163e RI), dans la zone de Cerny-en-Laonnois, où « on marchait dans la viande » tant l’hécatombe est importante et impressionnante pour les simples soldats.

- Il combat encore en Champagne et dans les Vosges jusqu’à la fin de la guerre.

- Après 1919, il exerce divers métiers puis devient romancier. Dans La Peur (1930), il fait le récit de son expérience de combattant. Mais c’est Clochemerle (1934) qui lui apporte succès et reconnaissance.

- Dans la préface de la réédition de La Peur en 1951, il écrit : « Ce livre, tourné contre la guerre et publié pour la première fois en 1930, a connu la malchance de rencontrer une seconde guerre sur son chemin. En 1939, sa vente fut librement suspendue, par accord entre l'auteur et l'éditeur. Quand la guerre est là, ce n'est plus le moment d'avertir les gens qu'il s'agit d'une sinistre aventure aux conséquences imprévisibles. Il fallait le comprendre avant et agir en conséquence. »
« On enseignait dans ma jeunesse — lorsque nous étions au front — que la guerre était moralisatrice, purificatrice et rédemptrice. On a vu quels prolongements ont eus ces turlutaines : mercantis, trafiquants, marché noir, délations, trahisons, fusillades, tortures; et famine, tuberculose, typhus, terreur, sadisme. De l'héroïsme, d'accord. Mais la petite, l'exceptionnelle proportion d'héroïsme ne rachète pas l'immensité du mal. D'ailleurs peu d'êtres sont taillés pour le véritable héroïsme. Ayons la loyauté d'en convenir, nous qui sommes revenus. »

(source : Wikipédia)

A comme Antioche


- Ferme située au-dessus de Vauxaillon, sur le plateau

- La zone est aux mains des Allemands de septembre 1914 jusqu’au retrait sur la ligne Hindenburg.

- En avril 1917, la ferme d’Antioche est située en retrait du front, côté français, au moment de l’offensive vers le Mont des Singes et sert de base de départ pour les assauts. Elle joue à nouveau ce rôle à l’automne, lors de la bataille de la Malmaison (le 359e RI de Henri Désagneaux y combat à ce moment-là).

- La ferme est détruite lorsque la guerre se termine, puis reconstruite.

A comme Amifontaine

(MAJ septembre 2010)





- Village situé en bordure de l’A26, à la source de la Miette
- 400 habitants

- Amifontaine est aux mains des Allemands pendant toute la durée du conflit, même si les 13 et 14 septembre 1914, la cavalerie française revient dans le village, profitant d’un « trou » dans le dispositif de repli allemand (avant de devoir se replier faute de soutien).
- Situé à proximité des combats, le village accueille un poste de secours et un cimetière.


- Le 16 avril 1917, c’est un des premiers objectifs de l’offensive des chars et des fantassins dans la plaine entre Craonne et Berry-au-Bac : l’échec est au rendez-vous.

- Amifontaine redevient français le 12 octobre 1918.


- Le village est rasé par les combats, notamment l’église Saint-Rémi. Cité en 1920, il est rapidement reconstruit : la population en 1921 est équivalente à celle de 1914 (environ 460 habitants).


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dimanche 23 novembre 2008

A comme Ailette


L'Ailette, près d'Ailles



- Rivière d’environ 60 kilomètres, affluent de l’Oise, située au nord du Chemin des Dames.
- L’Ailette est longée par le canal Aisne-Oise à partir de Monampteuil.

- Elle prend sa source dans la forêt de Vauclair, près du village de Sainte-Croix.

- L’Ailette est l’objectif premier de l’offensive Nivelle en avril 1917. Mais les Français n’y parviennent finalement qu’à l’automne, après la bataille de la Malmaison.
- Le petit cours d’eau devient la nouvelle ligne de défense des Allemands après leur repli, et leur base pour l’offensive Ludendorff de mai 1918.

- En 1984, une retenue artificielle a permis l’aménagement d’une base de loisirs et d’un golf. En 2007, ce parc de loisirs est devenu un Center Parcs.
- Aujourd’hui, une deuxième base touristique a été aménagée au bassin de Monampteuil.



La vallée de l'Ailette, depuis Malval

M comme Merval

- Village de la rive gauche de l’Aisne, sur les hauteurs face à Oeuilly ou Hurtebise
- 80 habitants

- Merval est situé en retrait du front entre 1914 et 1918. Le village sert de base arrière aux soldats qui y passent avant de monter en première ligne. On y trouve le quartier général de la VIe Armée de Mangin au moment de l’offensive Nivelle.

- Avant comme après la première guerre, Merval compte environ 120 habitants.
- L’église Saint-Martin, très endommagée par les combats de 1918, est reconstruite et classée aux Monuments Historiques en 1919. Le village possédait une distillerie, détruite elle aussi.

vendredi 21 novembre 2008

C comme Cazenave (Louis de)

- Soldat français
- 1897 Saint-Georges d’Aurac (Haute-Loire) – Brioude 2007

- Louis de Cazenave devance l’appel en 1916 ; il est affecté dans les troupes coloniales.
- Affecté au 5e Bataillon de Tirailleurs sénégalais, il participe aux combats du Chemin des Dames en avril 19174, au Mont des Singes près de Vauxaillon.
- Pendant l’été, il combat sur le plateau de Vauclerc.

- Après guerre, il travaille dans les chemins de fer (il en est renvoyé par le régime de Vichy) et devient un libertaire et un pacifiste acharné, éloigné des honneurs (il reçoit la Légion d’honneur en 1995 seulement, après des années de refus de sa part) et des cérémonies, peu enclin à narrer son expérience combattante. Il ne distingue pas un camp d’un autre : « Les Allemands, on les retrouvait quand on allait chercher de l’eau au puits ; on discutait. Ils étaient comme nous, ils en avaient assez.»
- Louis de Cazenave est le dernier soldat survivant du Chemin des Dames, l’avant-dernier poilu de la Grande Guerre. « La guerre ? Hay hay hay ! Un truc absurde, inutile ! A quoi ça sert de massacrer des gens ? Rien ne peut le justifier, rien ! »

dimanche 16 novembre 2008

A comme Aragon (Louis)

(MAJ septembre 2010)



- « Créneaux de la mémoire, ici nous accoudâmes
Nos désirs de vingt ans au ciel en porte à faux.
Ce n’était pas l’amour, mais le chemin des Dames,
Voyageur, souviens-toi du moulin de Laffaux »


(« Plus belle que les larmes », dans Les Yeux d’Elsa, 1945)


- Poète, écrivain et journaliste français
- Neuilly-sur-Seine 1897 – Paris 1982

- Bénéficiant d’un sursis pour cause d’études de médecine, Louis Aragon n’est incorporé qu’en juin 1917 au Val-de-Grâce pour devenir médecin aux armées ; il en sort en avril 1918, adjudant-chef. Pendant cette période, il lit Le Feu, de Barbusse, qui le marque énormément.

- En juin, Aragon rejoint le 355e RI dans l’Oise. Il le suit après la 2e bataille de la Marne jusque près de Braine, sur la Vesle.
- Le 6 août, à Couvrelles, il doit soigner ses hommes sous un bombardement qui l’ensevelit à plusieurs reprises (acte qui lui vaut la Croix-de-guerre). De retour sur les lieux quelques jours plus tard, Louis Aragon découvre une croix à son nom dans le cimetière temporaire aménagé après les combats (on avait trouvé sa vareuse et une de ses lettres).

- « Il y avait devant la croix fichée en terre une bouteille
Dedans une lettre roulée à mon adresse Etait-ce vrai
Si c’était moi Si j’étais mort Si c’était l’enfer Tout serait
Mensonge illusion moi-même et toute mon histoire après
Tout ce qui fut l’Histoire un jeu de l’enfer un jeu du sommeil

Comme s’explique alors ce sentiment d’une longue agonie
Et ma vie et le monde et qui pourrait encore y croire
Tout ceci n’était que l’enfer qui jongle devant son miroir
Je suis mort en août mil neuf cent dix-huit sur ce coin de terroir
Ca va faire pour moi bientôt trente-huit ans que tout est fini. »


(Le roman inachevé, 1956)

Source : Lettre du Chemin des Dames n° 14 (à lire aussi deux autres extraits de poèmes sur cet épisode)



- Après la guerre, son ami André Breton commence à publier ses écrits ; plusieurs évoquent la guerre et ses souvenirs. Aragon est l’un des fondateurs du mouvement surréaliste à ses côtés et devient compagnon de route du Parti communiste.

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B comme Bruyères-et-Montbérault

(MAJ  07/2021)

Village situé au sud de Laon, au pied des premières pentes menant vers les plateaux (où se trouve le hameau de Montbérault)

 

En 1914, Bruyères-et-Montbérault compte près de 1 000 habitants, qui voient les Allemands occuper les lieux à partir du début du mois de septembre. Situé à l’arrière-front du Chemin des Dames, entre Laon et les premières lignes, le village joue un rôle essentiel dans l’organisation allemande (pour plus de détails sur l’occupation, voir le site de la mairie : https://bruyeres-et-montberault.fr/fr/rb/289408/bruyeres-pendant-la-guerre-1914-1918).

La préparation de l’offensive Nivelle oblige les Allemands à évacuer femmes et enfants début mars 1917, tandis que Bruyères subit les premiers gros dégâts liés aux bombardements français. Le rôle militaire des lieux prend alors une importance encore plus grande, tout comme sa fonction sanitaire : un cimetière est créé par les Allemands sur les hauteurs du village (aujourd’hui près de la cote 112 en montant vers le fort). Le fort de Bruyères (ou fort Henriot), de style Séré de Rivières et donc désarmé avant la guerre, est aussi utilisé pour le stockage ou pour les prisonniers, tout comme celui dont il dépendait, le fort de Montbérault.

Le 13 octobre 1918, Bruyères-et-Montbérault est libéré par les soldats français du 48e BCP, auquel appartient le soldat René Fleury : « 14- Départ avec le T.C à 6h ½ matin. Passons par Vailly, traversons l’Ailette (du côté de Chevregny) (à partir de cet endroit lignes allemandes depuis 1914) (enterrons 2 cadavres français). Lierval, Bruyères (à partir de Bruyères défilé de civils délivrés). Couchons à Parfondru. » (https://www.lepaysdauge.org/wiki/histoire/augerons-dans-la-grande-guerre/journal-de-guerre-de-rene-fleury.html)

Le village est presque entièrement détruit ; une coopérative est mise en place pour faciliter la reconstruction (avec Chérêt, Martigny, Parfondru et Monthenault). Bruyères-et-Montbérault reçoit la Croix-de-guerre en 1920. Sur le monument aux morts figurent les noms de 29 soldats et 11 civils décédés pendant le conflit. Seuls 675 habitants sont recensés en 1921, avant que le chiffre remonte progressivement – il est aujourd’hui autour de 1 500.

 

 

 

 

NB : Le colonel de Gaulle utilise les lieux comme P.C. en mai 1940 et, devenu général, revient quelques années plus tard en pèlerinage : https://bruyeres-et-montberault.fr/fr/rb/289551/le-general-de-gaulle-a-bruyeres

 

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R comme Renaissance

- Ferme située sur la commune de Craonne, près du bois de Beaumarais.

- La ferme de la Renaissance est construite après la première guerre, et adopte ce nom si symbolique …

vendredi 14 novembre 2008

C comme Consentement / Contrainte

- Concepts qui divisent les historiens français en deux « écoles ».

- Depuis une vingtaine d’années, l’historiographie de la première guerre mondiale repose sur deux éléments essentiels, la place à accorder aux témoignages et la question fondamentale mais complexe : « Comment ont-ils tenu ? »

- Certains historiens défendent la thèse du « consentement ». On les surnomme parfois « l’Ecole de Péronne » car leurs représentants principaux sont ceux qui ont mis en place et supervisent l’Historial de la Grande Guerre : Stéphane Audouin-Rouzeau, Annette Becker, Jean-Jacques Becker (les deux premiers ont notamment publié 14-18, retrouver la guerre en 2000). Selon eux, une « culture de guerre » aurait existé avant 1914 et pendant le conflit, préparant et conditionnant les Européens au combat et aux souffrances qui l’accompagnèrent. Cette culture expliquerait la brutalisation des sociétés, qui allait entraîner des conséquences terribles dans les décennies suivantes. Ils minimisent l’impact de la désobéissance et des mutineries.
C’est par exemple cette thèse qu’ils mettent en avant dans le documentaire 14-18 le bruit et la fureur, diffusé par France 2 le 11 novembre 2008. Leur influence est grande : commémorations officielles, manuels scolaires, etc.

- En réaction, d’autres historiens et chercheurs insistent sur la thèse dite de la « contrainte ». Ils sont regroupés essentiellement au sein du CRID 14-18 et leur lieu-référence est le Chemin des Dames (le siège du CRID 14-18 est à Craonne) : Nicolas Offenstadt, Rémy Cazals, Frédéric Rousseau, etc. Eux mettent en avant les différentes formes de la contrainte (hiérarchie, pression sociale, regard des autres) qui s’impose aux soldats et dénoncent la notion de « culture de guerre », qui est celle des élites et de l’arrière. Ils privilégient l’approche par les témoignages des simples combattants.
Plusieurs films de fiction récents et très populaires vont dans leur sens : Un long dimanche de fiançailles, Joyeux Noël, Les fragments d’Antonin.

mardi 11 novembre 2008

B comme Bousquet (Joë)

- Poète français
- Narbonne 1897 – Carcassonne 1950

- En 1916, Joë Bousquet devance l’appel et commande une section d’un régiment disciplinaire.
- En 1918, il est lieutenant à 21 ans, grâce aux nombreuses citations qui jalonnent son parcours militaire.
- Le 27 mai, lors de l’offensive Ludendorff, il est gravement blessé à la poitrine près de Vailly-sur-Aisne : la balle traverse la moelle épinière et le laisse paralysé à vie.

- Il passe le reste de sa vie, à partir de 1924, dans sa chambre, rue de Verdun à Carcassonne, allongé, accompagné par la souffrance et l’opium qui la soulage, entouré de papiers, de livres et de ses amis : René Nelli (le spécialiste des Cathares), Ferdinand Alquié, François-Paul Alibert, etc. Il est proche des surréalistes.

L'hirondelle blanche
Il ne fait pas nuit sur la terre ; l'obscurité rôde, elle erre autour du noir. Et je sais des ténèbres si absolues que toute forme y promène une lueur et y devient le pressentiment, peut-être l'aurore d'un regard.

Ces ténèbres sont en nous. Une dévorante obscurité nous habite. Les froids du pôle sont plus près de moi que ce puant enfer où je ne pourrai pas me respirer moi-même. Aucune sonde ne mesurera ces épaisseurs : parce que mon apparence est dans un espace et mes entrailles dans un autre ; je l'ignore parce que mes yeux, ni ma voix, ni le voir, ni l'entendre ne sont dans l'un ni l'autre.

Il fait jour ton regard exilé de ta face
Ne trouve pas tes yeux en s'entourant de toi
Mais un double miroir clos sur un autre espace
Dont l'astre le plus haut s'est éteint dans ta voix

Sur un corps qui s'argente au croissant des marées
Le jour mûrit l'oubli d'un pôle immaculé
Et mouille à tes longs cils une étoile expirée
De l'arc-en-ciel qu'il draine aux racines des blés.

Les jours que leur odeur endort sous tes flancs roses
Se cueillent dans tes yeux qui s'ouvrent sans te voir
Et leur aile de soie enroule à ta nuit close
La terre où toute nuit n'est que l'oeuvre d'un soir.

L'ombre cache un passeur d'absences embaumées
Elle perd sur tes mains le jour qui fut tes yeux
Et comme au creux d'un lis sa blancheur consumée
Abîme au fil des soirs un ciel trop grand pour eux.

Il fait noir en moi, mais je ne suis pas cette ténèbre bien qu'assez lourd pour y sombrer un jour. Cette nuit est : on dirait qu'elle a fait mes yeux d'aujourd'hui et me ferme à ce qu'ils voient. Couleurs bleutées de ce que je vois qu'avec ma profondeur, rouges qui m'éclaire
mon sang, noir qui voit mon coeur...

Nuit du ciel, pauvre ombre éclose, tu n'es nuit que pour mes cils.

Bien peu de cendre a fait ce bouquet de paupières
Et qui n'est cette cendre et ce monde effacé
Quand ses poings de dormeur portent toute la terre
Où l'amour ni la nuit n'ont jamais commencé.


Joë Bousquet (L'Esprit de la Parole)



- Merci au Portail du Chemin des Dames de m’avoir fait découvrir Joë Bousquet, poète originaire de la même région que moi et de m’avoir permis d’approfondir sa connaissance à travers ma mère.

T comme Tirailleurs sénégalais


- Corps militaire français

- Les Tirailleurs sénégalais sont fondés en 1857 par Louis Faidherbe, gouverneur général du Sénégal. Ils incarnent la « Force noire » chère à Mangin (1910), qui préconise leur utilisation massive en cas de conflit en Europe.
- Ils ne sont pas tous originaires du Sénégal, mais de toute l’Afrique occidentale française : Burkina Faso, Mali, Niger, etc.

- 200 000 d’entre eux combattent lors de la première guerre, dont 135 000 en métropole. Leur mortalité est très élevée : près de 30 000 décès.

- Le 16 avril 1917, les Tirailleurs sénégalais sont environ 15 000 dans le secteur du Chemin des Dames, à Hurtebise, Laffaux et Vauxaillon. Nivelle, dans une note écrite, affirme vouloir « ne pas ménager le sang noir pour conserver un peu de sang blanc ». Ils souffrent beaucoup des conditions climatiques hivernales de ce mois d’avril, et beaucoup doivent être évacués avant les combats. L’hécatombe dans leur rang est terrible pendant les premiers jours de l’offensive. Certains parviennent cependant à franchir les lignes allemandes dans le secteur d’Ailles mais, trop isolés, doivent se replier et subir à nouveau de terribles pertes.
- Ils sont à nouveau engagés dans la bataille de La Malmaison, en octobre 1917.


- En 1923, le gouvernement français décide d’élever à Dakar un monument en l’honneur des Tirailleurs : il présente le poilu Dupont et le tirailleur Demba dans un geste de fraternité.
- Il est déplacé par le gouvernement sénégalais en 1983 (remplacé par le monument Soweto), puis rétabli près de la gare et de l’embarcadère, sur la place des Tirailleurs inaugurée en 2004 en ce lieu symbolique (point de départ des combattants africains lors des deux conflits mondiaux).




- Le 22 septembre 2007 est inaugurée près de la Caverne du Dragon la Constellation de la Douleur, œuvre de Christian Lapie rendant hommage aux Tirailleurs sénégalais morts dans les combats du Chemin des Dames.

Quelques liens:
Le dossier du Mémorial virtuel
Regards sur la Grande guerre
Un dossier du Conseil général de l'Aisne