samedi 23 novembre 2013

D comme Drieu la Rochelle (Pierre)



« Quand nous nous rencontrions, nous parlions souvent de nos expériences de la Première Guerre mondiale: nous avions combattu dans la même zone du front, lui du côté français, moi du côté allemand, et nous entendions, sur des versants opposés, le son des cloches de la même église. » (Ernst Jünger, Les prochains Titans)

- Ecrivain français
- Paris 1893 – Paris 1945

- Accomplissant depuis 1913 son service militaire, Pierre Drieu La Rochelle est mobilisé au sein du 5e RI (6e DI) en août. Blessé le 23 à Charleroi, il rejoint son unité en tant que sergent le 16 octobre, près de la ferme du Godat, alors que la zone est extrêmement agitée après la stabilisation du front.

- Il est blessé au bras le 29, près d’Hermonville, au cours d’une journée à nouveau particulièrement meurtrière (244 tués, blessés et disparus pour le régiment).
- « Ce corps était déroutant : il était mi-parti comme une figure d’anatomie. D’un côté, c’était un corps d’homme épanoui et presque athlétique, avec un cou largement enraciné, une épaule droite pleine, un sein ample, une hanche stricte, un genou bien encastré ; de l’autre, c’était une carcasse foudroyée, tourmentée, tordue, desséchée, chétive. C’était le côté de la guerre, du massacre, du supplice, de la mort. Cette blessure sournoise au bras qui avait enfoncé son ongle de fer dans les chairs jusqu’au nerf et qui avait là surpris et suspendu le courant de la vie, et qui par un vaste contre-choc avait saccagé toute l’épure architecturale des muscles, c’était ce que Gilles avait cherché à la guerre, le moins qu’il en avait pu rapporter, cette empreinte, ce signe de l’inexorable, de l’incurable, du jamais plus. » (Gilles, 1937)

- Après sa convalescence, Drieu se porte volontaire pour l’expédition d’Orient (176e RI), d’où il est évacué en juillet 1915 pour dysenterie. Rétabli, il combat au 146e à Verdun où il est à nouveau blessé (tympan crevé). Il occupe alors des fonctions à l’arrière grâce aux réseaux de sa famille et commence sa carrière d’écrivain.

- Il narre son expérience de la guerre, notamment dans La comédie de Charleroi et dans Gilles. Mêlant déception face à la « nouvelle » guerre industrielle et enthousiasmes liés à des moments d'exaltation, son œuvre montre une profonde mutation personnelle liée au conflit (« Vraiment la guerre, c'est ce qu'il y a de plus humain avec l'amour », « Quelle joie de courir à l'appel mystique de la mort en beauté », écrit-il dans ses lettres).

A lire : Le Figaro hors-série, « Ceux de 14 – Les écrivains dans la Grande Guerre », n° 79H


lundi 18 novembre 2013

P comme Plan en relief



- « La véritable importance stratégique du Chemin des Dames beaucoup mieux qu'auprès des “exécutants” chargés de s'en emparer ou de le défendre, on la percevait pleinement sur l'immense plan en relief qu'avait fait établir par son service géographique le chef de la sixième armée. »
- En 1917, le général Maistre installe en effet son quartier général à Belleu (au sud-est de Soissons), dans la villa Beauregard, résidence d’été d’Albert Piat, qui dirige une fonderie à Villeneuve Saint-Germain.

- «  Ce plan occupait à lui seul un petit salon de cette belle villa de Belleu […], tandis que tout autour, dissimulées sous les arbres du parc, des baraques en bois, que le camouflage avait soigneusement peintes en vert et jaune, et recouvertes de branchages, ce qui leur donnait l'aspect d'un joujou de Noël, des baraques Adrian abritaient l'Etat-Major. Elle était confortable la villa de Belleu, elle n'était pas d'un goût très pur, et se singularisait notamment par tout un luxe d'appareils d'éclairage du plus fâcheux style munichois. Seul le petit salon, qui servait de bureau à l'officier d'ordonnance du général, avait été débarrassé en partie pour faire place au plan en relief du Chemin des Dames. Devant ce plan, dans ce petit salon, je revois, réunis le 24 octobre 1917, les correspondants de guerre français, anglais et américains, à qui, tout rayonnant de la victorieuse opération de la veille, le chef d'Etat-Major explique comment elle fut conçue et exécutée. […] La victoire de la Malmaison avait dégagé le Chemin des Dames, elle en rendait, d'un bout à l'autre, la position intenable pour l'ennemi ; c'est ce que le plan en relief rendait sensible aux regards même des profanes, aux esprits les moins avertis. »

- Quelques mois plus tard, la moustache du général Duchêne a remplacé celle de Maistre à la tête de la VIe Armée, mais les lieux n’ont pas changé au moment où les Allemands lancent leur attaque foudroyante, le 27 mai 1918.
« Belleu fut atteint, que l’état-major de l’armée avait dû quitter en toute hâte sous les obus : un officier fut tué devant sa baraque, l’innocente petite baraque, comme un jouet de Noël, où le premier bureau rangeait ses paperasses, le premier bureau, aux occupations paisibles entre toutes : personnel, avancement, décorations … […] Et je me suis souvent demandé ce qu’était devenu le beau plan en relief, sur lequel avait été étudiée si minutieusement, et si bien préparée la victoire d’octobre, – si l’on avait eu le temps de l’emporter, pris la précaution de la détruire, – ou si, au contraire, les Allemands l’avaient retrouvé là, dans le petit salon attenant au cabinet du général et qui servait de bureau à son officier d’ordonnance, si les Allemands, après nous avoir repris le Chemin des Dames, en avaient pu remporter avec eux, trop précieux trophée, cette effigie de plâtre ? »




Sources des citations : Franc-Nohain, De la mer aux Vosges, 1921

Plus d’informations sur la villa Beauregard sur le site de la mairie deBelleu

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mardi 12 novembre 2013

T comme Tour-observatoire




- En 1965, Roger-Gustave Nobécourt décrit dans une note à la fin de son ouvrage Les Fantassins du Chemin des Dames ce que l’on voit quand on monte depuis Craonne jusqu’au plateau de Californie, notamment les traces des combats de la première guerre : ancien village envahi par la végétation, monument aux morts du village, table d’orientation en bordure de la route, etc.
- « La commune s’est reconstruite, a refait sa vie ailleurs, au fond de l’hémicycle, laissant là-haut tel quel un témoignage qui ne lui appartenait pas tout entier. C’est tout. Est-ce assez ? N’y avait-il pas, n’y a-t-il pas place ici, à la pointe de la falaise – où les Gaulois allumaient de grands feux dans la nuit – pour un phare qui serait un jalon, un relais et un signe entre celui de Lorette et celui de Douaumont ? Il couronnerait tout le Chemin des Dames et dominerait la Champagne, poserait les intermittences de sa lumière du cimetière de Cerny au monument de la ferme Navarin. Il commémorerait … Est-il trop tard ? L’histoire va si vite et il n’y aura bientôt plus de rescapés du Chemin des Dames. »


- En 2013, les derniers combattants sont tous partis, Roger-Gustave Nobécourt en 1989. A la pointe du plateau de Craonne (appelée communément Californie depuis la guerre) est inaugurée le 16 avril la tour-observatoire d’environ 20 mètres de haut qui permet à la fois d’observer le paysage – plateau de Vauclerc, bois de Beaumarais, oppidum de Saint-Thomas, plaine de Champagne, buttes proches de Reims, etc. – et d’allumer une lumière bleutée dès la nuit venue, signal de mémoire permanent et hommage aux combattants.
- Bien intégrée en bordure de la forêt qui a poussé sur la Zone Rouge, la tour-observatoire a vocation à devenir un centre important de la mémoire du Chemin des Dames. En effet, ce secteur, contrairement à d’autres champs de bataille, ne possédait pas de monument symbolique (rôle qu’aurait dû jouer la chapelle de Cerny). Les concepteurs de l’édifice, reprenant en partie les souhaits de R.G. Nobécourt, tâchent ainsi de remédier à cette situation.





Inauguration en présence du secrétaire d’Etat aux anciens combattants,M. Kader Arif.

vendredi 1 novembre 2013

S comme Suicide

- Depuis octobre 1914, le 111e RIT (unité de l'historien Jules Isaac notamment) est occupé à des tâches défensives et de fortification sur la rive sud de l'Aisne, près de Vailly, et sur le plateau qui la jouxte.
- Mi-novembre, la 5e compagnie est envoyée à Dhuizel, rattachée temporairement à la 1ère DI pour mener des travaux près de Soupir. Elle y reste jusqu'au 6 décembre, lorsqu'elle est relevée et vient cantonner à Brenelle.

- Le lendemain, 7 décembre, Joseph Coutton (matricule 9635) se suicide d'un coup de fusil dans la tête. La balle blesse au passage son camarade, Gustave Guigue (matricule 17108).
- Le drômois Joseph Coutton, né à Laborel 40 ans avant, se voit cependant attribuer le statut de « Mort pour la France », avec mention « tué à l'ennemi » (Fiche).
- Il repose aujourd'hui à la nécropole nationale de Vauxbuin.

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