dimanche 27 octobre 2013

A comme Australiens

http://www.abc.net.au/radionational/programs/hindsight/douglas-lucas-tooth/3391560


- Les Australiens ne combattent pas au Chemin des Dames en tant qu’armée autonome au sein de celle de l’Empire britannique, comme cela a pu se faire dans la Somme ou le Pas-de-Calais. Cependant, plusieurs soldats nés en Australie sont engagés avec l’armée britannique qui franchit l’Aisne les 13 et 14 septembre 1914.

- Parmi eux on trouve – probablement – les 2e et 3e officiers australiens morts pendant la guerre (le premier, William M. Chisholm, est décédé à Le Cateau le 26 août).

- Le capitaine Douglas Lucas-Tooth, Distinguished Service Order (DSO) pour ses actes pendant la retraite d’août, mène ses hommes des 9th Queen’s Royal Lancers en direction du Chemin des Dames le 14 septembre. Après la prise de Bourg-et-Comin, son unité doit s’emparer des hauteurs en direction de Moulins et Vendresse. Lucas-Tooth est tué par un éclat d’obus. Né à Sydney en 1880, il est enterré dans le cimetière communal de Moulins, avec écrit sur sa tombe : « Sleep on and take thy rest – Only goodnight beloved – Not farewell » (« Dors et repose-toi – Seulement bonne nuit, bien-aimé – Pas  un adieu »)

- Robert Gordon, lui aussi capitaine (au 1st Battalion Northamptonshire Regiment), meurt alors qu’il dirige ses hommes vers le Chemin des Dames près de Troyon. Les 160 Britanniques se préparent à assaillir 250 Allemands environ, positionnés à 50 mètres ; sorti brièvement de sa tranchée remplie d’eau et de boue jusqu’aux genoux, le capitaine Gordon reçoit une balle dans la tête. Né près de Melbourne 37 ans auparavant, il n’a pas de sépulture connue.



Source : Paul Kendall, Aisne 1914. The dawn of he trench warfare

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dimanche 20 octobre 2013

F comme Franc-Nohain




- Touche-à-tout français (Avocat, sous-préfet, écrivain, librettiste, etc.)
- Corbigny (Nièvre) 1872 – Paris 1934

- Maurice Etienne Legrand prend comme pseudonyme Franc-Nohain dès la fin du XIXe siècle, lorsqu'il commence à être actif dans le monde de la culture (fondation de journaux, écriture de poèmes, de livrets de ballets entre autres) ; homme de droite qui combat socialisme et anticléricalisme, il écrit notamment dans l’Echo de Paris.
(Pour écouter Franc-Nohain réciter un de ses poèmes:

http://www.youtube.com/watch?v=dTFTT-YXy-E

- Mobilisé à 42 ans comme garde voie, Franc-Nohain devient lieutenant (territorial) au 28e BCP, rattaché à l’état-major de la nouvelle 164e DI, auprès du colonel de Combarieu, à partir de fin 1916.
- Il est au Chemin des Dames au printemps 1917. « Du Plateau Triangulaire, la vue s’étendait en direction de Laon, sur la plaine bouleversée et désertique, que sillonnaient sans cesse, tragique et sinistre feu d’artifice, l’éclair des obus, les jets de fumée des éclatements. En direction de Laon : qui eût imaginé que Laon deviendrait ainsi une sorte de Mecque vers laquelle se tendraient tous nos espoirs, toutes nos énergies !... »


- Franc-Nohain revient dans l’Aisne au moment de l’offensive allemande de fin mai 1918.
- L’homme de lettres finit la guerre au Grand Quartier Général, titulaire de la Légion d’Honneur, de la Croix-de-guerre et de 5 citations. Après 1918, il poursuit sa carrière journalistique et littéraire.
- En 1921, il rédige ses souvenirs dans un recueil intitulé De la Mer aux Vosges (disponible sur Gallica, site de la BNF) et illustré par des eaux-fortes de son ami Paul-AdrienBouroux, autre ancien combattant de l’état-major de la 164e DI.

- « Si le hasard me ramène quelque jour à Pontavert, j’aimerais m’y promener à tous petits pas. Mais il faut faire un effort pour imaginer que l’on pourrait un jour, tranquillement, aller dans un de ces petits villages, où la vie aurait repris paisible et quotidienne, s’arrêter chez l’épicier d’Oulches, aller acheter des cigarettes au débit de tabac de Dravegny (et d’abord qu’il y eût encore un débit de tabac où il y eût à nouveau des cigarettes …). »



- A noter que Franc-Nohain, enterré au Père-Lachaise, est l'époux de l'illustratrice Marie-Madeleine Dauphin et le père de l'animateur Jean Nohain et du comédien Claude Dauphin.

 



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dimanche 13 octobre 2013

E comme Exécution sommaire de civils



- Dans les derniers jours d'août et les premiers jours de septembre 1914, une vague d' « espionnite » touche une partie des civils et de l'armée française face au défaite et au nécessaire repli. Deux affaires marquantes ont lieu dans l'Aisne, qui sont après-guerre au cœur du combat de la Ligue des Droits de l'Homme dirigée par l'axonais Henri Guernut.


Nicolas Mertz à Bourg-et-Comin

- Le 29 août 1914, la gendarmerie française arrête Nicolas Mertz, cafetier à Pierrepont (nord-est de Laon), accusé d'espionnage au service de l'Allemagne. A ses côtés est amené le maréchal des logis Sabry (17e RAC), à qui l'on reproche de lui avoir donné deux cartouches (Mertz les voulait en fait comme souvenir de guerre et les avait demandé au soldat la veille). Les deux hommes, destinés au Conseil de guerre, sont amenés vers les sous-sols de l'hôtel de ville de Laon, déjà remplis d'une cinquantaine de personnes, accusées d'espionnage entre autres.
- Après des heures difficiles, le groupe doit partir le 31 sous la menace de l'arrivée des Allemands, encadré par des gendarmes à cheval ou à bicyclette. Très corpulent, la cinquantaine passée, Nicolas Mertz a beaucoup de mal à suivre le rythme de la marche. A Presles-et-Thierny il s'effondre, puis se relève sous la menace d'une exécution immédiate ; on lui accorde quelques kilomètres en voiture avant la pause nocturne à  Bourg-et-Comin, dans le bâtiment de la pompe, sur la dalle en ciment.
- Épuisé, Mertz se traîne quelques minutes alors que l'on repart dès 4h30 en direction de Jonchery-sur-Vesle. Il finit par s'effondrer dans le fossé, cette fois incapable de se relever. On le menace de lui appliquer immédiatement la loi martiale. Rien n'y fait cette fois. Il demande à parler avec Sabry : « Maréchal des logis, je n'en peux plus, je vais mourir. Je vous prie respectueusement de faire savoir à ma famille l'endroit où je repose. »
- Le lieutenant en charge du groupe remet alors son revolver à un gendarme cycliste, qui exécute Nicolas Mertz de deux balles dans la tête, le 1er septembre 1914.

- Après la guerre, la Ligue des Droits de l'Homme de Henri Guernut s'engage pour la réhabilitation du cafetier auprès du ministre de la Guerre André Maginot. Le 1er février 1923, celui exonère le lieutenant de gendarmerie : « Les résultats de l'enquête permettent de conclure qu'il n'y a pas eu meurtre, mais exécution d'un prisonnier suspect que le chef d'escorte a estimé, l'ennemi le suivant de près, ne pouvoir laisser en arrière sans danger pour la sécurité de l'armée en retraite. » Guernut avance le fait que son caractère « suspect » provient peut-être du fait que Mertz est né au Luxembourg et naturalisé français, met en avant ses idées fortement républicaines et le soutien des habitants de son lieu de vie pour défendre la mémoire du défunt. Il interroge le lieutenant – devenu entre temps capitaine – qui argue des conditions particulières des faits ; « Et vous vous imaginez que la guerre est une excuse ? Jamais, à nos yeux, la guerre n'excuse le crime : elle l'aggrave, au contraire, car elle en est un autre. »
- Finalement, face aux menaces d'attaques en justice, Maginot propose un dédommagement à la veuve de Nicolas Mertz le 6 octobre 1923 (une rente viagère de 2 000 francs et une indemnité de 20 066 francs).


Jules Copie à Chamouille

- L'instituteur de Barenton-Bugny (nord de Laon), Jules Copie, parvient à s'échapper des mains des Allemands qui l'ont capturé pour possession d'un fusil le 1er septembre 1914. A Laon, son comportement paraît bizarre à certains (ils demande plusieurs fois la route de Soissons tout en prenant systématiquement la direction opposée) qui le dénoncent aux militaires français. A Ardon, où refluent des éléments des 205e et 332e RI et du 42e RAC, on le fouille : la rumeur dit qu'on trouve sur lui des carnets et des cartes d'état-major de la région, ainsi qu'un passeport.
- Accusé d'être un espion, Jules copie est menotté par les gendarmes de Liesse et emmené le 2 dans la retraite des soldats français en direction de Reims. A Bruyères, l'instituteur Oriat intervient en sa faveur, n'obtenant que la promesse d'un conseil de guerre pour son collègue.
- Cependant, arrivé sur l'Ailette entre Chamouille et Neuville, le convoi est lourdement bombardé, sans pouvoir discerner l'origine des obus. La panique s'empare des hommes ; le gendarme qui accompagne Copie demande à un conducteur d'attelage de l'aider à le transporter. « Tous deux entraînent Copie. Mais celui-ci, haletant, à bout de souffle, s'affaisse dans le fossé. ʺAllons,le Boche, debout ! Debout ou je te tue !ʺ Copie ne put se relever. ʺTue-leʺ , dit le gendarme. Le conducteur tire à bout portant deux coups de revolver sur Copie qui se renverse. Le gendarme, avec son mousqueton, l'achève et se sauve. La tragédie est terminée »
- Comme dans le cas de Nicolas Mertz, la Ligue des Droits de l'Homme lance une campagne pour retrouver ceux qu'elle considère comme les assassins de Jules Copie et permettre de réhabiliter celui-ci. Si la justice reconnaît innocent le paysan Roussel – le conducteur qui a tiré sur l'instituteur –, le gouvernement finit par accorder une pension aux mère et épouse de l'instituteur décédé. 


La réhabilitation

- Insatisfaite, la LDH entreprend une action législative afin qu'il existe une possibilité juridique de réviser des exécutions sommaires (loi votée pour les militaires en août 1924, pour les civils en décembre).
- Nicolas Mertz et Jules Copie sont réhabilités par la cour d'appel d'Amiens en février 1925.




Source : Henri Guernut, cité par Claude Carême, Bulletin de la Fédérations  des Sociétés d’Histoire et d’Archéologie de l’Aisne, Tome L, 2005

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dimanche 6 octobre 2013

M comme Montfaucon (ou Mont Faucon)


Photo de l'IGN de 1949 sur laquelle on voit encore les traces des bombardements sur le sommet du Montfaucon, délimité ici en rouge
Carte issue du JMO de la Compagnie 20/2 du 10e RG (avril 1917) - Source SHD



- Pointe d’un saillant du plateau du Chemin des Dames, au sud-ouest de Cerny, qui sépare les vallons de Chivy et Vendresse-Troyon. L’altitude maximale du Mont Faucon est de 176 mètres, dominant de plus de 80 mètres les parties basses. La zone est remplie de creutes et en grande partie recouverte de forêts difficiles.

- Ce sont les troupes britanniques qui sont chargées de prendre le Mont Faucon. Le 14 septembre 1914, le 1st South Wales Borderers y prend pied après avoir occupé Vendresse. Les tentatives en direction de la sucrerie de Cerny échouent les jours suivants, ce qui transforme les lieux en site défensif pour les Tommies.
- Le 26, d’importantes troupes allemandes (environ 4000 soldats des 24 et 25e divisions) dissimulées par le brouillard lancent une attaque sur le Mont Faucon, dont la capture mettrait en grande difficulté leurs ennemis, les obligeant sans doute à se replier au sud de l’Aisne. Les premières lignes sont prises puis un corps-à-corps s’engage dans un certain désordre, tandis que les renforts britanniques arrivent. « Nous progressâmes le long du pied de la crête et attaquâmes l’ennemi de flanc. C’était un combat très confus et les balles venaient de toutes les directions. Cela dura peu de temps, cependant, les Huns n’ayant aucune chance contre cette attaque de flanc et ils disparurent vers le bas du versant est laissant un grand nombre de morts au sommet de la crête » (capitaine Hubert Rees). La levée du brouillard vers 9h permet aux Britanniques de mieux apercevoir les troupes allemandes massées dans la vallée de Chivy et d’agir contre elles, par obus et mitrailleuses (« Pour les soldats en repli des 21e et 25 divisions cela devint une vallée des morts moderne » - P. Kendall). L’attaque allemande a échoué.
- Pour enterrer la masse de cadavres, on utilise des boyaux qui sont comblées (l’état-major britannique ayant décidé de se servir des carrières comme première ligne plus commode). Des centaines d’Allemands sont aussi mis en terre par les soldats gallois et écossais, sur les hauteurs comme dans les vallées.



Carte du JMO du 63e RI (juillet 1916)

- La situation dans le secteur du Mont Faucon évolue alors très peu jusqu’en avril 1917, même une fois les Britanniques relevés : le nord est aux mains des Allemands, le sud est fortifié par les Français en s’appuyant sur les creutes. On crée ainsi le « Centre de Montfaucon, cœur d’un dense réseau de tranchées et boyaux, qui s’appuie sur l’artillerie installées sur les hauteurs plus au sud (Madagascar, Mont Charmont). A noter que le chemin en terre qui contourne le Mont Charmont au sud, l’actuel GR12, est baptisé « Chemin des Anglais » par les Français.




- C’est le 1er régiment de Tirailleurs marocains qui s’empare de l’ensemble de l’éperon le 16 avril 1917 avant de prendre possession de la tranchée de Fuleta et du bois du Paradis pour parvenir au Chemin des Dames lui-même.


Le Montfaucon vu depuis le bas (près de Vendresse)


Source (pour ce qui concerne les Britanniques) : P. Kendall, op. cit.