samedi 17 mars 2012

P comme Piégés dans les lignes allemandes

- Le 13 septembre 1914, le 4e Régiment de Zouaves progresse sur les pentes sud du Chemin des Dames et parvient sur le plateau de Paissy, où les Allemands commencent à lui opposer une farouche résistance qui va conduire à figer le front pour plusieurs années.
- « Un officier du 148e, Mr le Capitaine Roques, se présente à l’Etat-Major du Régiment. Il vient du village de Chermizy. Il est en civil et s’est dissimulé au milieu des lignes allemandes, depuis la retraite de son Régiment dont plusieurs fractions ont trouvé les ponts de l’Aisne coupés. »
(JMO du 4e Zouaves – Source : SHD)




Le repli du 148e RI

- Depuis le début de la guerre, en effet, le capitaine Roques commande la 11e compagnie du 3e bataillon du 148e régiment d’infanterie (4e GDR). Après les combats en Belgique, l’ensemble de cette unité se replie, dans un certain désordre et sous la pression ennemie, jusqu’aux alentours de Coucy-le-Château via la forêt de Saint-Gobain.
- Le 1er septembre, le colonel Cadoux, commandant le régiment, est sans nouvelles de ses supérieurs, supposés stationnés dans les villages voisins (Fresnes et Quincy) ; les messagers envoyés sur place sont informés par les habitants que toutes les troupes françaises restantes sont parties depuis la veille. On décide alors de franchir l’Ailette pour rejoindre Soissons où la division – semble-t-il – est en train de se regrouper. Mais les Allemands de la Garde sont déjà sur la rive sud, occupant les ponts, et sur les hauteurs de Leuilly ; après de très durs combats, tout franchissement se révèle impossible.
- L’état-major du 148e décide alors de se déplacer vers l’est : environ 1 100 hommes parviennent à Anizy-le-Château tard dans la soirée ; « 4 compagnies du 3e bataillon laissées en arrière pour assurer le repliement du Régiment n’ont pu rejoindre Anizy et ont manqué le départ du Régiment pour Pinon. Deux compagnies, les 5e et 6e, sont également séparées du Régiment.
Le colonel avait demandé au maire d’Anizy de diriger sur Pinon tous les éléments du 148e qui parviendraient à Anizy après le départ de cette localité
[vers 22 heures, après 2 heures de repos]. »


- Le lendemain, 2 septembre, les restes du régiment mettent cap vers le sud – Chavignon-Filain-Moussy (après 2 heures de repos sur l’Epine de Chevregny) – afin de franchir l’Aisne pour suivre le mouvement général de l’armée française. Mais, à leur arrivée, le pont de Bourg-et-Comin a déjà sauté ; idem un peu plus loin à Pont-Arcy ; il faut aller jusqu’à Chavonne pour parvenir enfin en rive gauche (le pont est immédiatement détruit) et poursuivre le repli.
- « C’est ainsi qu’il parcourut 70 km en 27 h, arrivant au pont de l’Aisne à Chavonnes [sic] et à celui de la Marne à Chartèves bon dernier pour les traverser avant qu’ils ne soient détruits. Dans cette marche, le 148e s’est fait précéder d’officiers montés qui allaient prévenir le Génie préposé à la destruction des ponts, de l’arrivée du régiment afin qu’on en retarde si possible la destruction jusqu’à l’arrivée du régiment. » (rapport du colonel Cadoux)
- Aucune information concernant les troupes laissées sur l’Ailette la veille … « Je ne m’explique pas comment le 3e bataillon a pu s’égarer. A 19 heures à Jumencourt, j’ai parlé moi-même aux Capitaines Delorme, Renon et Dagalier qui n’ont pas encore reparu. » (idem)



Dans les creutes

- Ceux qui sont restés en arrière le 1er septembre connaissent des fortunes diverses, qui ne sont pas toutes connues. Gérard Lachaux (dans Les creutes : Chemin des Dames et Soissonnais) décrit le sort de certains d’après Odyssée d’un R.I. à travers le Soissonnais (général Vignier).
- Certains tentent de se dissimuler dans des creutes près de Soupir ou de Pargnan ; tous ne parviennent pas à tenir jusqu’au retour des Alliés dans le secteur et sont capturés par les Allemands.
- Six hommes du 148e se cachent dans une carrière au nord de Beaulne ; pendant une dizaine de jours, ils se terrent au plus profond des lieux, se s’aventurant vers l’extérieur que lorsque les villageois (le curé de Troyon ou Georgette Bourdin par exemple) viennent leur apporter de la nourriture ou un almanach des PTT pour échafauder un plan d’évasion. Un jour, n’y tenant plus, ils allument un feu pour se réchauffer devant leur abri, manquant de se faire surprendre par des cavaliers qui passent sur la route toute proche. Finalement, le 13, face aux détonations et aux bruits de combat, l’espoir revient ; ils sont finalement découverts par des soldats britanniques, dans un premier temps méfiants face à leur état physique et vestimentaire puis qui les laissent rejoindre leur unité …




Le regroupement

- Après la bataille de la Marne, en effet, le 148e participe à la contre-offensive alliée et arrive près de Berry-au-Bac, combattant face à une adversité plus décidée que dans les jours précédents vers la ferme du Choléra.
- « Vers 15h30, le 148e est rallié par le lieutenant de Beaucoudray [9e Cie du 3e Btn], commandant un détachement de 350 hommes, séparés du régiment depuis Coucy-le-Château. »
- Il raconte alors ces dix derniers jours : « Le 1er septembre, au cours du combat de Coucy, le Capitaine Roques s’est replié avec deux de mes sections pendant que je le protégeais par mon feu avec les deux autres. N’ayant reçu de lui que des indications vagues, je perdis sa trace.
Le 2 septembre, dans la matinée, je rejoignis un détachement commandé par le capitaine Boitel. Le Capitaine Boitel réussit à nous faire passer les lignes allemandes jusqu’à l’Aisne en utilisant les bois. Les ponts de l’Aisne étant coupés, nous passâmes en barque près de Chavonnes.
Le 3 septembre, vers 15 heures, le détachement grossi de nombreux isolés du régiment et d’autres corps s’élevait à 400 hommes. A la tombée de la nuit, nous cherchions à gagner Reims, mais nous rencontrâmes une forte colonne ennemie de toutes armées. Nous dûmes nous défiler dans les bois de Chassemy.
Le 4 septembre, le capitaine Boitel, parti en reconnaissance pour chercher à nous ravitailler, disparut. Je pris alors le commandement du détachement. Je réussis à le faire vivre en utilisant les ressources des villages à proximité. Je le défilai dans les bois, dans les carrières et dans les villages que les Allemands n’occupaient pas. Je formai avec ce détachement d’isolés de toutes armes et de tous corps des unités disciplinées et prêtes au combat.
Toute tentative pour percer vers le sud me sembla impossible car je me heurtais à de grandes voies de communication fortement gardées.
Le 10 septembre, étant à Launoy, j’entendis un combat dans la direction d’Hartennes.
Le lendemain matin 11 septembre je pouvais rentrer dans les lignes françaises. Je dirigeai les isolés vers leurs corps respectifs et le 13 septembre vers 15 heures, je rejoignis le 148e à la Musette (4 km NO de Berry-au-Bac) avec 350 hommes.
Je dois citer le dévouement de l’adjudant Robert qui me seconda constamment avec zèle et énergie, et dirigea avec habileté le passage de l’Aisne en barque.
Les lieutenants Pecqueur et Bena, grâce à leur expérience du commandement et à leurs sages conseils me furent de précieux auxiliaires.
Le sergent Deparis (4e Cie) déguisé en civil fut un agent de ravitaillement et d’information habile et infatigable.
Le soldat Varlet, de la 9e Cie, s’est distingué par son énergie et son dévouement. »




- Le 148e RI participe aux combats de Berry pendant près d’une semaine, accueillant encore quelques isolés perdus le 1er septembre, dont le capitaine Roques qui reprend immédiatement son poste. Le 19 septembre, le régiment au repos est reconstitué à 3 bataillons, comme trois semaines plus tôt.




JMO du 148e RI (jusqu’au 12 septembre)
JMO du 148e RI (après le 12 septembre)
(source: SHD)

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1 commentaire:

  1. Bonjour,
    Mon aïeule Georgette BOURDIN, née à Laon en 1895, institutrice à l'époque de la guerre 14-18 est citée dans votre article "Dans les creutes" pour son acte de bravoure (ravitaillement de soldats). J'ai toujours entendu cette histoire lors des repas de famille, mais j'étais jeune et n'ai pas posé de questions. Pouvez-vous m'indiquer vos sources (SHD ou autres) qui font état de ces faits.je sais aussi qu'elle a reçu une distinction, mais laquelle ?
    Merci pour votre réponse et dans l'attente, bien cordialement,
    Elisabeth Bassargette (née Boissel)
    andre.bassargette@wanadoo.fr

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