- La soirée et
la nuit du 24 au 25 décembre sont des moments particuliers dans la vie du front,
que chacun note et remarque à sa façon. En général, à cette date, la situation militaire
est « calme », loin des grandes offensives, et des célébrations plus ou
moins importantes peuvent avoir lieu, tout en maintenant une grande vigilance.
- Dans la zone
du Chemin des Dames, aucun témoignage ne narre des événements « spectaculaires »,
comme ils ont pu avoir lieu dans d’autres secteurs. Beaucoup de soldats, surtout
les plus croyants, se plaignent de l’ambiance de ce jour si spécial : « 25
décembre [1915]. Hermonville – Noël triste pas de messe de minuit – quelques
groupes réveillonnent mais cela sonne faux. » (André Tropamer, soldat
du 127e RI – Source : Lettre du Chemin des
Dames n° 25)
- Presque partout
cependant, la date est marquée, même symboliquement ou brièvement, notamment par
des chants ou des extras dans les repas. Les documents officiels sont cependant
brefs et laconiques sur ces faits, qui ne vont pas forcément pas de pair avec
la rigueur militaire des premières lignes. Evidemment, les manifestations sont
souvent plus importantes chez les Allemands que du côté français, où la laïcité récente
occupe une place importante …
- Pour le
premier Noël de guerre, le 5e RI est en première ligne près de La
Neuville, sur le canal de l’Aisne à la Marne. « Nous avions remarqué les Allemands construisant, dans la
journée, un autel dans leur tranchée. Nous signalons le fait au commandant,
mais nous recevons comme réponse l’ordre de les laisser tranquilles … sans
doute ses convictions religieuses l’empêchent-elles de faire tuer des ennemis
ce jour-là, c’est dommage, car la cible est excellente. Dans la nuit, cet autel
est éclairé. Nous entendons l’ennemi chanter cantiques et psaumes avec
accompagnement d’accordéons et d’instruments de cuivre. A nouveau, nous
demandons un tir efficace, pas de réponse. Bientôt, nous voyons se dérouler une
procession. Les Allemands sortis de leurs trous se promènent dans la plaine
avec des lampions et portent des boissons chaudes à leurs sentinelles. Malgré l’ordre,
je fais tirer immédiatement ; la procession s’évanouit. Les chants
reprennent. D’abord, ce sont des chœurs très doux bien exécutés avec ensemble
puis l’ivresse aidant, les Allemands braillent bientôt, sans aucun souci de la
mesure ou du rythme. » A minuit, un soldat français du régiment
voisin, le 119e, se dresse à son tour pour entonner « Minuit
chrétien » puis « La Marseillaise », applaudi par les Allemands.
(Source :
André Letac, Souvenirs de guerre 1914-1918, éditions Charles Corlet,
2010)
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