jeudi 6 mai 2010

L comme Leçon oubliée

- En septembre et à l’automne 1914, les premiers combats au Chemin des Dames « préfigurent le désastre du printemps 1917. »

- « Le 13 septembre, les vainqueurs de la marne atteignent l’Aisne. Ces succès sont encourageants, mais les espoirs de poursuivre la conquête sont déçus dès le lendemain : la brèche est comblée… Durant plusieurs jours, la lutte va continuer pour le contrôle du Chemin des Dames. »

- A gauche, les Britanniques ont des difficultés à franchir l’Aisne, dont les ponts ont été détruits, notamment à cause des conditions climatiques. Le 14, ils sont bloqués devant Cerny, à la hauteur de la sucrerie, sur les plateaux au-dessus de Soupir, au bord de la rivière plus à l’ouest ; les pertes sont considérables. Le 15, on décide d’arrêter la poursuite et de « se retrancher solidement ».

- « A droite, les troupes françaises engagées se heurtent aux même insurmontables difficultés. Là aussi, le Chemin des Dames dispense sa première et terrible leçon. La vie d’un fantassin ne vaut pas cher. » Le 13, dans la matinée, le 144e RI s’empare de Craonne, le 57e de Corbeny ; mais l’artillerie ne suit pas. Les Allemands résistent sur le plateau, à Hurtebise.
- La lutte se poursuit le 14 et le 15 : Craonne est perdu et regagné plusieurs fois, avec toujours des pertes considérables. Les positions allemandes sur les hauteurs se montrent très avantageuses. « Nos hommes tirent comme à la chasse au lapin. A la fusillade se mêle le son de nos cors de chasse et le rire fou des tirailleurs tandis qu’en face les blessés crient. Puis c’est un autre son : celui de nos mitrailleuses du lieutenant von Lützow. La mort fait une moisson effroyable de pantalons rouges. » (lieutenant Alexander von Bülow)

- « Incapable de comprendre le caractère inégal de la lutte, le commandement ordonne plusieurs tentatives de progression les jours suivants : toutes se brisent sur le rempart de feu de l’artillerie allemande. » Face à elle, les tirs français se révèlent insuffisants. « Ce seront les mêmes problèmes de tirs, cette même insuffisance des liaisons terrestres entre l’infanterie et l’artillerie auxquelles seront confrontés les Français en avril 1917 […] de tout cela, la topographie tourmentée du terrain demeure la cause principale. »

- La lutte se poursuit pendant plusieurs semaines. « Cette folle succession d’attaques et de contre-attaques, bras de fer et de feu, tango macabre, fait du Chemin des Dames l’un des secteurs les plus sanglants du front occidental. »
- Ce sont les Allemands qui obtiennent les meilleurs résultats : tandis que les Français échouent à progresser vers Hurtebise ou sur le plateau de Vauclerc, eux s’emparent de Vailly le 30 octobre, de Chavonne le 2 novembre.
- Le 13 novembre, « Franchet d’Esperey se résout à l’évidence et stabilise le front. »


- « Au-delà de la simple chronique, ce qui frappe dans ces récits des événements, c’est que tous ces épisodes de l’automne 1914 préfigurent jusque dans les moindres détails, les terribles et désespérés combats du printemps 1917. Les meilleurs régiments sont usés jusqu’à la corde. Les meilleurs soldats sont lancés dans des attaques proprement suicidaires. Dès le début de la guerre, le Chemin des Dames s’était révélé tel qu’il est : une forteresse quasi inexpugnable… Tous les éléments susceptibles d’annoncer l’échec du 16 avril 1917 étaient donc sous les yeux du commandement français. Pourquoi, dès lors, la leçon de 1914 a-t-elle été oubliée ? »





Source : Frédéric Rousseau, « Le Chemin des Dames en 1914. La leçon oublié » in N. Offenstadt (dir.), op. cit., pages 29 à 35

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