vendredi 18 novembre 2011

R comme Respirer le matin

- Le 19 mars 1916, le 246e RI du lieutenant Paul Truffau est aux abords ouest du Bois-des-Buttes, tenu presque entièrement par les Allemands. Ceux-ci, quelques jours plus tôt, viennent en effet de mener une offensive locale couronnée de succès (c’est lors de cet épisode que Guillaume Apollinaire est blessé).
- Paul Truffau se rend dans la partie de la forêt baptisée « la Sapinière » en compagnie d’un autre lieutenant, du 204e RI.

- « Je jette un coup d’œil rapide par-dessus le parapet : je vois les sacs, et aussi une tête en calot, généreuse, qui dépasse jusqu’aux épaules ; il regarde au-delà de nos lignes le paysage étincelant, les brumes de la rivière ; un autre se montre à côté un instant. Je réclame un fusil, puis la crainte de le manquer, plus encore la peur de l’atteindre (car j’ai en dégoût ces assassinats nécessaires) m’arrêtent. Quel est le meilleur fusil de l’escouade ? Tout le monde le dit : c’est P., le tambour, bien qu’armé du revolver. Il se dresse et s’avance : un grand paysan gauche, rustaud, l’air pataud et niais, avec des petits yeux plissés et bêtes. J’essaie de lui montrer l’homme dans mon périscope, il regarde mal, n’y voit rien, regarde à travers un créneau et en ramant dans l’air derrière lui avec sa main : « Ah bon, je vois ! Qu’on me passe un fusil, pourvu qu’il soit chargé ! » Il ajuste – pan ! le calot vole en l’air à trente centimètres, l’homme a disparu. La tête a dû éclater. Et le paysan redescend, une petite flamme dans ses yeux de brute, riant lourdement : Kapout. Il va se rasseoir à sa place, où il se remet à couper une branche avec son couteau. Tout le monde rit, le félicite, moi aussi ; mais je me représente aussitôt, avec une force et une netteté obsédante, le cadavre étendu à cent mètres, le sang, les derniers tressaillements, le cercle d’horreur, les brancardiers qu’on appelle, et, là-bas, en Allemagne, une mère qui n’a plus d’enfant. Tout cela parce qu’il a voulu respirer le matin. »


Source : Paul Truffau, 1914-1918. Quatre années sur le front, page 115

dimanche 13 novembre 2011

B comme Bois des Pies

- Bois situé à l’est de Gernicourt (et de la chapelle Saint-Rigobert), sur la rive sud de l’Aisne.
- Il est aussi parfois nommé « Bois de la Pie ».

- Après la reprise du secteur par les Français, le 13 septembre 1914, le Bois des Pies se trouve pendant presque toute la guerre à proximité de la première ligne. Il est utilisé avant tout comme base pour l’artillerie mais aussi comme premier lieu de repos et de soin pour le secteur de Berry-au-Bac. C’est aussi le cas des deux massifs voisins, celui de la Marine à l’est et celui des Geais, plus vaste, au sud.
(Carte issue du JMO du 369e RI en février 1918)


- Le bois tient un rôle important lors de la préparation de l’offensive Nivelle, en avril 1917. Bien connu par conséquent des Allemands, il acquiert une réputation bien établie chez tous les combattants.
- On peut le voir à travers le récit de Félix Fonsagrive, envoyé depuis Cormicy pour prendre contact avec des camarades présents dans le bois début mai 1917. Alors qu’il s’y rend, un autre soldat lui dit : « Ah ! On veut vous envoyer au bois des Pies ! Mauvais endroit. Il est exact que nous allons quitter le secteur, mais ne quitterions-nous pas que la position du bois des Pies serait abandonnée. Elle est intenable. » C’est ce que constate l’artilleur une fois sur place : « Arrivé à la hauteur du bois des Pies, je tourne le dos aux lignes et j’aborde le bois dont les arbres sont réduits en grand nombre à l’état de troncs. Les trous d’obus semblent se toucher et il y en a de toutes les dimensions. Charmant coin ! Sur les abris existants à la position vacante il n’y en a qu’un qui puisse inspirer quelque confiance. » (Félix Fonsagrive, En Batterie !)



- Ce sont les artilleurs britanniques, réduits à une quasi impuissance, qui se trouvent dans le secteur au moment où les troupes d’assaut allemandes déferlent, dans l’après-midi du 27 mai 1918.

- Au moment de la reconquête alliée, à l’automne, le bois des Pies retrouve sa vocation antérieure lorsque le front se fige pendant quelques jours : « Après quatre jours de résistance sur l’Aisne, l’ennemi, le 10 octobre, écrase de ses tirs tout notre front. Bois de Gernicourt, bois de Pies et des Geais, Cormicy, etc… reçoivent un déluge d’obus de toutes sortes et de tous calibres. Les batteries sont soumises à de violentes concentrations d’ypérite. Notre infanterie n’est pas en meilleure posture et peut à tout moment demander le barrage. Il ne saurait donc être question d’évacuer les canonniers. […] Difficiles conditions pour reprendre dans la journée même la poursuite de l’ennemi qui masquait par ces tirs sa retraite. » (Historique du 30e RAC)



- Depuis la première guerre mondiale, le bois des Pies n’existe plus.

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dimanche 6 novembre 2011

C comme Cavaignac (Pierre-Marie)


- Militaire français
- Verdun 1887 – Vauclerc 1917

- Engagé volontaire au 57e RI à vingt ans, Pierre-Marie Cavaignac vient d’être admis à l’école de Saint-Maixent quand la guerre est déclarée.
- Le sous-lieutenant Cavaignac est dès le 14 septembre 1914 (fin de la contre-offensive alliée de la Marne) à Corbeny, blessé d’un éclat d’obus au bras droit.
- A partir d’octobre, le 57e est transféré près de Moussy et Verneuil, où il s’installe durablement (il ne le quitte – pour Verdun – qu’en avril 1916). Alors qu’il supervise les aménagements de son secteur, le 21 décembre 1914 « à 15h est blessé à la main droite le sous-lieutenant Cavaignac [2e bataillon, 5e compagnie]. La blessure, sans être grave, est assez sérieuse. Une fois pansé cet officier refusant de se laisser évacuer revient à son poste en disant “Ce n’est pas le moment de quitter mes hommes”. Malgré la fièvre qui survient il se remet courageusement à diriger les travaux. Déjà le 14 septembre le sous-lieutenant Cavaignac avait été contusionné par un éclat d’obus et était resté à son poste. » Il est cité à l’ordre de l’Armée le 17 janvier 1915. (JMO du 57e RI)



- Cavaignac est promu lieutenant (décembre 1915) puis capitaine (mars 1916). Après Verdun, il revient au Chemin des Dames, où son régiment doit participer à l’exploitation de la percée le 16 avril ; l’engagement est finalement annulé.
- Quelques jours plus tard, il est au-dessus de Craonnelle, sur les bords du plateau des Casemates que le 57e RI attaque le 5 mai.
- Pierre-Marie Cavaignac est tué d’une balle dans la tête, une nouvelle fois cité à l’ordre de l’armée « pour avoir trouvé une mort glorieuse, le fusil à la main, à la tête de ses hommes. »
- Il repose aujourd’hui au cimetière de Cerny-en-Laonnois.


- Le nom de Pierre-Marie Cavaignac apparaît dans l’ouvrage de Georges Gaudy, Le Chemin des Dames en feu.




Fiche MPF

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