Connaître et comprendre le lieu, les hommes, les événements et la mémoire du Chemin des Dames
mardi 31 août 2010
C comme Chivy-lès-Etouvelles
- Village du sud-ouest de Laon, le long de l’Ardon et de la N2
- 500 habitants
- Les 200 habitants qui peuplent Chivy-lès-Etouvelles avant-guerre et la vieille église romane de Saint-Pierre-aux-Liens voient les Allemands arriver dans le village, situé sur un axe de communication important, dès le 1er septembre 1914. Ils subissent jusqu’à la libération des lieux (12 octobre 1918, par le 355e RI) les contraintes de l’occupation mais sont globalement épargnés par les combats. Le 19 octobre 1917, la population est évacuée en prévision de la bataille de La Malmaison.
- Les destructions matérielles sont minimes, mais la population baisse sensiblement (122 habitants recensés en 1921) avant de remonter largement au-dessus de son niveau antérieur.
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dimanche 29 août 2010
F comme Fleur
- « Vous avez eu de la tranchée
La grenade et la balle aussi
La fusée au sol arrachée
Par un Fanfan trop sans-souci
Qui vous ciselait une lame
Au cœur du métal dégrossi …
Vous avez eu de tout : voici
Une fleur du Chemin des Dames.
Sur sa monture harnachée
Louis Quinze venait ici,
L’œil tendre, la lèvre penchée
Sur les lèvres au retroussis
Voluptueux de quelque femme.
Ils s’aimaient tout un jour ainsi
Et lui, donnait pour son merci
Une fleur du Chemin des Dames.
Aujourd’hui la route est bouchée
Par un vieux fil de fer roussi,
Et la terre autour défrichée
Par l’obus. Un long ramassis
De pauvres bonshommes sans âme,
De pauvres bonshommes occis …
Et quelquefois, par là, par ci,
Une fleur du Chemin des Dames
Envoi
Princesse ignorante des drames
Au dénouement par trop précis,
Entre mes autres dons, choisis
Une fleur du Chemin des Dames. »
- Jean Arbousset (Béziers 1895 – Estrées-Saint-Denis 1918), poète et sapeur dans le Génie
Voir sa fiche MPF
Source : Lettre du Chemin des Dames n°1, page 6
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jeudi 26 août 2010
S comme Sens (cinq)
Un regard sur le champ de bataille
- Contrairement à la plupart des batailles de la guerre, celle du Chemin des Dames n’échappe pas au regard de par la topographie variée des lieux et de la profondeur sur laquelle se trouve les soldats.
- « Avec une jumelle à prismes, que j’ai ‟barbotéˮ à un officier allemand prisonnier, je regarde ce qui se passe sur le front (quand mon travail me le permet). Je vois des troupes qui se déplacent dans les tranchées françaises, à flanc de coteau. La vue est encore assez nette. Nous sommes à 5 ou 6 kilomètres du front, à vol d’oiseau. » (Georges Durand, chef de poste au 10e C.A du général Duchêne)
- Les soldats qui combattent ont moins accès à ces vues d’ensemble, mais des indices visuels leur permettent néanmoins de comprendre les événements : troupes qui refluent, colonnes de prisonniers ou blessés, tension des officiers, etc.
Confusion et clarté
- Le « paysage sensible » des soldats, c’est avant tout le bruit : « On ne peut plus parler, on ne s’entend même plus. Les ordres sont donnés par gestes. Qu’est-ce qu’ils doivent prendre en face ! Cela nous rappelle Verdun et nous comprenons la situation là-bas. » (Paul Mencier)
- La confusion règne dans les souvenirs des combattants. « L’air vibrait. Par instants, des geysers de pierraille surgissaient au-dessus de la tranchée : la riposte allemande. Nous étions là, en pleine bataille, un peu sourds, insensibles, mais anxieux de la suite. Le colonel ouvrait la bouche, faisait des signes en soulevant sa canne. On ne l’entendait pas. » (André Zeller)
- Les moments de pertes de repères visuels et sonores (direction et provenance des projectiles, ordres et orientation impossibles) alternent avec des répits où l’on saisit à nouveau les choses, « entre anesthésie et extrême attention » (A. Loez) : « C’est pendant un court moment de calme que nous pouvons apercevoir devant nous une rangée de barbelés intacts dans lesquels nos soldats sont venus se briser. » (Maurice Peurey)
S’informer et s’orienter
- Sur des terrains bouleversés, qui ne correspondent plus aux cartes, et face à un échec qui remet en cause tous les plans initiaux, il est très fréquent que des hommes se perdent et ne trouvent pas la direction où aller, attendant pendant des heures dans des trous d’obus ou des abris que quelqu’un vienne les aider. Xavier Chaïla décrit bien cette errance près de Berry-au-Bac : « Sur ces entrefaites j’avais complètement perdu contact avec le régiment et, devant la violence du bombardement, je fis comme les fantassins, je creusai un trou pour me mettre à l’abri, mais au bout d’un instant, je résolus d’aller plus loin » ; après avoir croisé et accompagné des soldats eux aussi perdus, vers l’arrière, il repart au le front, « seul, en terrain inconnu, au petit bonheur. »
- Tous les sens sont en éveil dans ces conditions, car on ne sait pas qui l’on va croiser, ami ou ennemi, dans ce « vaste labyrinthe », « véritable dédale où les boyaux se croisent et s’entrecroisent à chaque instant dans toutes les directions. » (Emile Carlier)
- Les soldats cherchent à se repérer et renseigner par tous les moyens, notamment grâce aux blessés légers. Les informations officielles existent aussi mais passent : les agents de liaison font un travail rendu très complexe et lent mais vital (« De très rares agents de liaison arrivaient de l’avant, entre deux rafales, avec des renseignements pratiquement nuls », remarque André Zeller). Les câbles téléphoniques sont en permanence coupés par les bombes et les communications entre fantassins et artillerie très difficiles.
Comprendre le « paysage sonore »
- L’expérience des soldats au front compense le manque de repères : « Allant à l’aveuglette, je dois me fier à l’instinct, au flair, au sens de l’orientation que trois ans et demi de vie dans la nature ont développé chez chacun de nous. » (Paul Ricadat)
- L’ouïe joue alors un rôle essentiel pour reconnaître et éviter les dangers, notamment lors des bombardements ; il s’agit d’identifier et d’anticiper les différents types de projectiles (« A partir de ce moment et tout l’après-midi, il faut remettre son masque tous les quarts d’heure : on reconnaît bien les éclatements mats des obus spéciaux. » Lucien Laby en mai 1917)
- Les réflexes et la coordination entre l’oreille et le corps sont essentiels pour sauver sa vie. Paul Mencier livre ainsi son « secret » : « Je n’échappe que grâce à mes plats-ventres. Ce truc me réussit toujours et je ne fais pas faute d’en profiter. » Ainsi les combattants peuvent-ils avoir le sentiment de contrôler un peu leur destinée …
Des sensations insoutenables
- Il y a d’abord la souffrance physique, accentuée par les très mauvaises conditions climatiques d’avril 1917 puis par les difficultés de ravitaillement (la soif et la recherche de n’importe quelle source d’eau sont des thèmes récurrents chez les soldats).
- Les visions d’horreur offertes par la bataille sont aussi omniprésentes : « Par terre, une main coupée ; plus loin, un paquet d’entrailles, Sali de poussière. On se raidit, on se crispe. Seul, j’hésiterais peut-être ; à la tête de mes poilus, je me ferais hacher plutôt que de ralentir. » (J. P. Biscay)
- La présence de la mort est partout, encore plus celle des blessés et de la souffrance des autres. Emile Carlier décrit ainsi la scène suivante : « Un blessé dont une partie de la main vient d’être emportée par un éclat d’obus, passe en courant, agitant son moignon sanglant. Un second blessé lui succède. Celui-là a été frappé à la tête. Il trébuche comme un homme ivre. Le sang qui coule de sa blessure l’aveugle et lui fait un masque hideux. »
- Il faut aussi tenir compte des odeurs, odeurs nauséabondes des champs de bataille, odeurs de la mort (J. Fontenioux évoque les « affreux relents » qui sortent des creutes où des soldats se sont retrouvés bloqués), odeurs des hôpitaux (« une atmosphère d’éther et de sueur fétide, d’iodoforme et de crasse chaude » comme le dit Marcel Fourier).
- Le traumatisme lié à toutes ces sensations est profond : « J’ai vu redescendre les survivants : blancs de la craie de Champagne, hagards, à demi morts de fatigue : huit jours après, ils n’étaient pas encore redevenus normaux. » (Octave Clauson)
Source : André Loez, « ‟Le bruit de la batailleˮ. Le paysage sensible du combattant sur le Chemin des Dames », in N. Offenstadt (dir.), op. cit. pages 194 à 205
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- Contrairement à la plupart des batailles de la guerre, celle du Chemin des Dames n’échappe pas au regard de par la topographie variée des lieux et de la profondeur sur laquelle se trouve les soldats.
- « Avec une jumelle à prismes, que j’ai ‟barbotéˮ à un officier allemand prisonnier, je regarde ce qui se passe sur le front (quand mon travail me le permet). Je vois des troupes qui se déplacent dans les tranchées françaises, à flanc de coteau. La vue est encore assez nette. Nous sommes à 5 ou 6 kilomètres du front, à vol d’oiseau. » (Georges Durand, chef de poste au 10e C.A du général Duchêne)
- Les soldats qui combattent ont moins accès à ces vues d’ensemble, mais des indices visuels leur permettent néanmoins de comprendre les événements : troupes qui refluent, colonnes de prisonniers ou blessés, tension des officiers, etc.
Confusion et clarté
- Le « paysage sensible » des soldats, c’est avant tout le bruit : « On ne peut plus parler, on ne s’entend même plus. Les ordres sont donnés par gestes. Qu’est-ce qu’ils doivent prendre en face ! Cela nous rappelle Verdun et nous comprenons la situation là-bas. » (Paul Mencier)
- La confusion règne dans les souvenirs des combattants. « L’air vibrait. Par instants, des geysers de pierraille surgissaient au-dessus de la tranchée : la riposte allemande. Nous étions là, en pleine bataille, un peu sourds, insensibles, mais anxieux de la suite. Le colonel ouvrait la bouche, faisait des signes en soulevant sa canne. On ne l’entendait pas. » (André Zeller)
- Les moments de pertes de repères visuels et sonores (direction et provenance des projectiles, ordres et orientation impossibles) alternent avec des répits où l’on saisit à nouveau les choses, « entre anesthésie et extrême attention » (A. Loez) : « C’est pendant un court moment de calme que nous pouvons apercevoir devant nous une rangée de barbelés intacts dans lesquels nos soldats sont venus se briser. » (Maurice Peurey)
S’informer et s’orienter
- Sur des terrains bouleversés, qui ne correspondent plus aux cartes, et face à un échec qui remet en cause tous les plans initiaux, il est très fréquent que des hommes se perdent et ne trouvent pas la direction où aller, attendant pendant des heures dans des trous d’obus ou des abris que quelqu’un vienne les aider. Xavier Chaïla décrit bien cette errance près de Berry-au-Bac : « Sur ces entrefaites j’avais complètement perdu contact avec le régiment et, devant la violence du bombardement, je fis comme les fantassins, je creusai un trou pour me mettre à l’abri, mais au bout d’un instant, je résolus d’aller plus loin » ; après avoir croisé et accompagné des soldats eux aussi perdus, vers l’arrière, il repart au le front, « seul, en terrain inconnu, au petit bonheur. »
- Tous les sens sont en éveil dans ces conditions, car on ne sait pas qui l’on va croiser, ami ou ennemi, dans ce « vaste labyrinthe », « véritable dédale où les boyaux se croisent et s’entrecroisent à chaque instant dans toutes les directions. » (Emile Carlier)
- Les soldats cherchent à se repérer et renseigner par tous les moyens, notamment grâce aux blessés légers. Les informations officielles existent aussi mais passent : les agents de liaison font un travail rendu très complexe et lent mais vital (« De très rares agents de liaison arrivaient de l’avant, entre deux rafales, avec des renseignements pratiquement nuls », remarque André Zeller). Les câbles téléphoniques sont en permanence coupés par les bombes et les communications entre fantassins et artillerie très difficiles.
Comprendre le « paysage sonore »
- L’expérience des soldats au front compense le manque de repères : « Allant à l’aveuglette, je dois me fier à l’instinct, au flair, au sens de l’orientation que trois ans et demi de vie dans la nature ont développé chez chacun de nous. » (Paul Ricadat)
- L’ouïe joue alors un rôle essentiel pour reconnaître et éviter les dangers, notamment lors des bombardements ; il s’agit d’identifier et d’anticiper les différents types de projectiles (« A partir de ce moment et tout l’après-midi, il faut remettre son masque tous les quarts d’heure : on reconnaît bien les éclatements mats des obus spéciaux. » Lucien Laby en mai 1917)
- Les réflexes et la coordination entre l’oreille et le corps sont essentiels pour sauver sa vie. Paul Mencier livre ainsi son « secret » : « Je n’échappe que grâce à mes plats-ventres. Ce truc me réussit toujours et je ne fais pas faute d’en profiter. » Ainsi les combattants peuvent-ils avoir le sentiment de contrôler un peu leur destinée …
Des sensations insoutenables
- Il y a d’abord la souffrance physique, accentuée par les très mauvaises conditions climatiques d’avril 1917 puis par les difficultés de ravitaillement (la soif et la recherche de n’importe quelle source d’eau sont des thèmes récurrents chez les soldats).
- Les visions d’horreur offertes par la bataille sont aussi omniprésentes : « Par terre, une main coupée ; plus loin, un paquet d’entrailles, Sali de poussière. On se raidit, on se crispe. Seul, j’hésiterais peut-être ; à la tête de mes poilus, je me ferais hacher plutôt que de ralentir. » (J. P. Biscay)
- La présence de la mort est partout, encore plus celle des blessés et de la souffrance des autres. Emile Carlier décrit ainsi la scène suivante : « Un blessé dont une partie de la main vient d’être emportée par un éclat d’obus, passe en courant, agitant son moignon sanglant. Un second blessé lui succède. Celui-là a été frappé à la tête. Il trébuche comme un homme ivre. Le sang qui coule de sa blessure l’aveugle et lui fait un masque hideux. »
- Il faut aussi tenir compte des odeurs, odeurs nauséabondes des champs de bataille, odeurs de la mort (J. Fontenioux évoque les « affreux relents » qui sortent des creutes où des soldats se sont retrouvés bloqués), odeurs des hôpitaux (« une atmosphère d’éther et de sueur fétide, d’iodoforme et de crasse chaude » comme le dit Marcel Fourier).
- Le traumatisme lié à toutes ces sensations est profond : « J’ai vu redescendre les survivants : blancs de la craie de Champagne, hagards, à demi morts de fatigue : huit jours après, ils n’étaient pas encore redevenus normaux. » (Octave Clauson)
Source : André Loez, « ‟Le bruit de la batailleˮ. Le paysage sensible du combattant sur le Chemin des Dames », in N. Offenstadt (dir.), op. cit. pages 194 à 205
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lundi 23 août 2010
M comme Mallez (Henri)
- Soldat puis homme politique français
- Carnières (Nord) 1892 – Paris 1989
- Issu d’une importante famille de Cambrai, Henri Mallez est en cours d’achèvement de ses études lorsque vient l’heure de son service militaire en 1912 puis du déclenchement de la guerre.
- Il connaît une progression notable au sein du 162e RI, finissant la guerre comme sous-lieutenant, blessé trois fois (invalide à 30%) et avec de nombreuses décorations.
- A partir de décembre 1916, il est au Chemin des Dames, dans le secteur de Pontavert et du bois de Beaumarais.
- Le 16 avril 1917, Henri Mallez est engagé dans le combat à partir du Choléra vers le bois de Claque-Dents, au nord de Berry-au-Bac. Il progresse légèrement, mais ne peut dépasser la ferme Mauchamp malgré le soutien des chars (la cote 108, qui résiste toujours à sa droite, laisse les Français trop vulnérables). Mallez décrit des scènes de barbarie, notamment celle d’un blessé français à terre achevé par un Allemand, lui-même tué d’un coup de pelle.
- Le 162e reste dans le secteur jusqu’à fin avril.
- Au cours du mois d’août et début septembre 1918, Mallez revient dans la région à la poursuite des Allemands : Soissons, Crouy, Vregny.
- Après-guerre, Henri Mallez devient imprimeur tout en participant aux associations d’anciens combattants. Dans les années 30, il se lance dans la vie politique (aux côtés du colonel de la Rocque notamment).
- A nouveau mobilisé en 1940, il est désigné maire de Cambrai pendant l’Occupation puis devient résistant.
- Henri Mallez est notamment député du Nord de 1946 à 1955, proche des gaullistes puis plus critique envers leur chef.
- En 1972 sont publiés, avant tout à destination de ses petits-enfants ses Mémoires d’un fantassin de la Grande Guerre.
Sources :
http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/biographies/IVRepublique/mallez-henri-ernest-edouard-marie-13061892.asp
http://www.crid1418.org/doc/bdd_cdd/unites/DI69.html#RI162
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- Carnières (Nord) 1892 – Paris 1989
- Issu d’une importante famille de Cambrai, Henri Mallez est en cours d’achèvement de ses études lorsque vient l’heure de son service militaire en 1912 puis du déclenchement de la guerre.
- Il connaît une progression notable au sein du 162e RI, finissant la guerre comme sous-lieutenant, blessé trois fois (invalide à 30%) et avec de nombreuses décorations.
- A partir de décembre 1916, il est au Chemin des Dames, dans le secteur de Pontavert et du bois de Beaumarais.
- Le 16 avril 1917, Henri Mallez est engagé dans le combat à partir du Choléra vers le bois de Claque-Dents, au nord de Berry-au-Bac. Il progresse légèrement, mais ne peut dépasser la ferme Mauchamp malgré le soutien des chars (la cote 108, qui résiste toujours à sa droite, laisse les Français trop vulnérables). Mallez décrit des scènes de barbarie, notamment celle d’un blessé français à terre achevé par un Allemand, lui-même tué d’un coup de pelle.
- Le 162e reste dans le secteur jusqu’à fin avril.
- Au cours du mois d’août et début septembre 1918, Mallez revient dans la région à la poursuite des Allemands : Soissons, Crouy, Vregny.
- Après-guerre, Henri Mallez devient imprimeur tout en participant aux associations d’anciens combattants. Dans les années 30, il se lance dans la vie politique (aux côtés du colonel de la Rocque notamment).
- A nouveau mobilisé en 1940, il est désigné maire de Cambrai pendant l’Occupation puis devient résistant.
- Henri Mallez est notamment député du Nord de 1946 à 1955, proche des gaullistes puis plus critique envers leur chef.
- En 1972 sont publiés, avant tout à destination de ses petits-enfants ses Mémoires d’un fantassin de la Grande Guerre.
Sources :
http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/biographies/IVRepublique/mallez-henri-ernest-edouard-marie-13061892.asp
http://www.crid1418.org/doc/bdd_cdd/unites/DI69.html#RI162
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vendredi 20 août 2010
D comme Débris
- Le 16 avril 1917 à 6h, le 208e Régiment d’infanterie français attaque vers les bastions de Chevreux et la tranchée de Lutzow ; « avant la fin de la journée, il n’en restera plus que des débris » (R.G. Nobécourt, page 148).
- Depuis le début de la guerre, le 208e RI a déjà beaucoup souffert : il a perdu 50% de ses effectifs dans la Somme et a dû être – une première fois – reconstitué ; ses pertes ont à nouveau été terribles en février 1917 lors d’une violente attaque vers Maisons de Champagne.
- Après quelques jours à Dormans, le régiment arrive sur l’Aisne à la fin mars (« le village de Concevreux est bombardé par obus de gros calibres »). Le 9 avril, il se porte dans le bois de Beaumarais pour y organiser l’offensive.
- L’artillerie française prépare elle aussi l’attaque, mais les résultats ne sont pas à la hauteur des espérances : dès le 11 avril, d’abord, la réaction allemande est virulente (qui tente même un coup de main sur les positions françaises). De plus, le 15, « l’officier de renseignements ainsi que les officiers observateurs du Régiment signalent que des mitrailleuses allemandes placées dans des abris bétonnés existent toujours dans le Bois en Mandoline face au secteur du 208e ; les abris de ces mitrailleuses n’ont pas été démolis par notre artillerie. »
- Le même jour, le chef du 5e bataillon, le commandant Le Dantec, disparaît alors qu’il est en reconnaissance avec les calques de l’attaque (son corps est retrouvé le 16).
- Le 16, dès la première tranchée, « les mitrailleuses allemandes se dévoilent et nous causent de grosses pertes » ; des soldats parviennent à la franchir cependant, mais « se trouvent isolés et dès lors aucune liaison ne peut être établie avec eux. » « Les éléments du 208e n’ayant pu gagner la tranchée allemande restent terrés dans les trous d’obus. Les mitrailleuses allemandes ne cessent de tirer sur tout homme qui lève la tête. Quelques blessés reviennent en rampant. Certains d’entre eux prétendent avoir été blessés à l’entrée du village de Corbeny ; aucun autre renseignement ne peut être recueilli. »
- Aucune progression n’est possible, le régiment doit même recevoir le soutien des 6e et 27e bataillons de chasseurs pour assurer la défense de sa première ligne sur laquelle il s’est replié ; ceux-ci échouent aussi dans leur attaque le lendemain. « Le champ de bataille est transformé en un véritable cimetière » (Historique du régiment). Le 18, le 208e RI est relevé et se rend près de Ventelay.
- Le 19, « réorganisation sommaire du régiment ». Le bilan est terrible ; chez les officiers, on compte 1 mort, 9 blessés et 34 disparus ; chez les hommes de troupe, 18 tués, 335 blessés et 801 disparus (« dont 250 présumés tués ») : 1 198 au total.
- André Zeller, qui assiste le régiment en tant qu’artilleur, écrit dans ses mémoires : « Corbeny a vu la mort du 208e RI ».
- Après une longue période de repos, de reconstitution et d’instruction, le 208e RI est à nouveau engagé à partir d’août dans les Flandres. Il revient brièvement dans le bois de Beaumarais à la fin du mois de mars 1918.
Source principale : JMO du 208e RI (les citations en sont issues, sauf indication)
Yves Fohlen dans la Lettre du Chemin des Dames n° 18
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mardi 17 août 2010
A comme Activité du front
- Entre le 3 août 1914 et le 11 novembre 1918, le Chemin des Dames connaît des situations très variées en ce qui concerne l’activité militaire. Même s’il est difficile de placer exactement les limites géographiques de la zone, on peut s’essayer à une comptabilité et à une classification des journées en fonction de cette activité. Les chiffres suivants s’appuient sur les calculs de Thierry Hardier.
- Pendant 179 jours (11,5% du total), le Chemin des Dames est situé complètement en dehors de la zone de combat : avant le 12 septembre 1914, entre le 29 mai et le 13 septembre 1918 puis après le 13 octobre de cette même année.
- Les périodes de « front passif » sont les plus longues : 1 129 jours, soit plus de 72% du total de la guerre. Ces périodes sont marquées par des bombardements peu intenses ou des coups de main occasionnels. La phase la plus importante dure plus de deux années, entre le 27 janvier 1915 et le 23 mars 1917.
- On peut comptabiliser 214 jours (près de 14% du total) de journées marquées par des attaques locales, des préparations d’artillerie en vue d’une offensive généralisée ou par la stabilisation du front après l’une d’elle. C’est le cas par exemple de la bataille des observatoires, pendant tout l’été 1917.
- Enfin, 40 jours (2,5%) sont consacrés aux grandes offensives ou à de grosses attaques locales : stabilisation du front en septembre 1914, offensive Nivelle, bataille de La Malmaison, offensive Ludendorff du 27 mai 1918.
Source : Thierry Hardier in N. Offenstadt (dir.), op. cit., pages 226 à 228 (histogramme page 243)
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- Pendant 179 jours (11,5% du total), le Chemin des Dames est situé complètement en dehors de la zone de combat : avant le 12 septembre 1914, entre le 29 mai et le 13 septembre 1918 puis après le 13 octobre de cette même année.
- Les périodes de « front passif » sont les plus longues : 1 129 jours, soit plus de 72% du total de la guerre. Ces périodes sont marquées par des bombardements peu intenses ou des coups de main occasionnels. La phase la plus importante dure plus de deux années, entre le 27 janvier 1915 et le 23 mars 1917.
- On peut comptabiliser 214 jours (près de 14% du total) de journées marquées par des attaques locales, des préparations d’artillerie en vue d’une offensive généralisée ou par la stabilisation du front après l’une d’elle. C’est le cas par exemple de la bataille des observatoires, pendant tout l’été 1917.
- Enfin, 40 jours (2,5%) sont consacrés aux grandes offensives ou à de grosses attaques locales : stabilisation du front en septembre 1914, offensive Nivelle, bataille de La Malmaison, offensive Ludendorff du 27 mai 1918.
Source : Thierry Hardier in N. Offenstadt (dir.), op. cit., pages 226 à 228 (histogramme page 243)
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dimanche 15 août 2010
C comme Cyprès
- Dans le cimetière allemand de Cerny-en-Laonnois, devant la tombe 1206 d’Albert Ruhe, canonnier de 20 ans tué en mai 1918 lors de l’offensive Ludendorff, son frère Willy fait poser en 1960 une plaque et planter un cyprès.
- Lors de leur visite le 8 juillet 1962, le chancelier Adenauer et le président de Gaulle s’y arrêtent quelques instants : « Une vie de paix pousse avec l’arbre de cette tombe. C’est le symbole de la réconciliation entre nos deux peuples. »
- Le petit cyprès de 1962, après être devenu un arbre majestueux et imposant, est devenu gênant (ses racines commençaient à dégrader les tombes voisines) et a été coupé il y a quelques années …
Source : Lettre du Chemin des Dames n°1 (page 3)
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jeudi 12 août 2010
H comme Hurtebise (chanson)
- Chanson écrite en décembre 1914 sous le titre « A Heurtebise ! » sur un air d’Aristide Bruant (« A Batignolles ! ») par un auteur anonyme, sans doute de la 36e DI, qui « n’est certainement pas un débutant en matière de composition : la qualité du texte, mais aussi la structure de la chanson en témoignent. »
- Texte :
(la chanson originale est disponible sur Deezer entre autres)
« Connaissez-vous ce grand coteau
Que borde un immense plateau
Le soir s’en vient souffler la bise ?
C’est Heurtebise !
On y va, doucement, en douceur
Avec un battement de cœur
Car des balles, on craint la traîtrise
A Heurtebise !
Elles passent dans l’air en ronflant
Froufroutant, doucement en sifflant
Des balles, c’est l’aubade exquise
A Heurtebise !
Parfois une fusée au ciel
Semble singer le grand soleil
Comète à la queue qui s’irise
Sur Heurtebise !
Un bruit … arrive du lointain
Une bombe … éclate soudain
Coup formidable qui paralyse,
Tout Heurtebise !
Les amateurs de sensations
S’en vont à la « Vallée Foulon »
Le soir où la corvée s’organise
Pour Heurtebise !
Les claies, les gabions, les rondins,
Creusent le dos, voûtent les reins
On y porte plus lourd qu’une valise
A Heurtebise !
La vie des tranchées a du bon
On y conserve son pognon
Forcément on économise
A Heurtebise !
On y soigne sa petite santé
Du café, de l’eau, du thé :
L’alcool est à peine de mise
A Heurtebise !
Heureusement que chaque soir
On a des nouvelles du terroir
Remerciant notre ami « Glize »*
Facteur d’Heurtebise !
O ferme ! Tu n’es plus qu’un nom
Tu es tombée sous les canons
Mais nous travaillons à ta reprise
Ô Heurtebise ! »
(* le vaguemestre)
Source : M. Robert dans la Lettre du Chemin des Dames n°12, page 6
http://www.chemindesdames.fr/photos_ftp/contenus/Lettre_12.pdf
- Texte :
(la chanson originale est disponible sur Deezer entre autres)
« Connaissez-vous ce grand coteau
Que borde un immense plateau
Le soir s’en vient souffler la bise ?
C’est Heurtebise !
On y va, doucement, en douceur
Avec un battement de cœur
Car des balles, on craint la traîtrise
A Heurtebise !
Elles passent dans l’air en ronflant
Froufroutant, doucement en sifflant
Des balles, c’est l’aubade exquise
A Heurtebise !
Parfois une fusée au ciel
Semble singer le grand soleil
Comète à la queue qui s’irise
Sur Heurtebise !
Un bruit … arrive du lointain
Une bombe … éclate soudain
Coup formidable qui paralyse,
Tout Heurtebise !
Les amateurs de sensations
S’en vont à la « Vallée Foulon »
Le soir où la corvée s’organise
Pour Heurtebise !
Les claies, les gabions, les rondins,
Creusent le dos, voûtent les reins
On y porte plus lourd qu’une valise
A Heurtebise !
La vie des tranchées a du bon
On y conserve son pognon
Forcément on économise
A Heurtebise !
On y soigne sa petite santé
Du café, de l’eau, du thé :
L’alcool est à peine de mise
A Heurtebise !
Heureusement que chaque soir
On a des nouvelles du terroir
Remerciant notre ami « Glize »*
Facteur d’Heurtebise !
O ferme ! Tu n’es plus qu’un nom
Tu es tombée sous les canons
Mais nous travaillons à ta reprise
Ô Heurtebise ! »
(* le vaguemestre)
Source : M. Robert dans la Lettre du Chemin des Dames n°12, page 6
http://www.chemindesdames.fr/photos_ftp/contenus/Lettre_12.pdf
mardi 10 août 2010
I comme Imaginer
- « La bataille imaginée est inséparable de la bataille réelle : ce sont les anticipations de victoire et de percée qui donnent son étendue au désastre. » « Si la bataille fait événement avant l’événement, c’est parce que les acteurs en devinent et en espèrent, individuellement et collectivement, l’issue. »
- Les espoirs et les anticipations des soldats, leur vision de leur futur, forment un « horizon d’attente » (R. Koselleck).
Indices : une connaissance par traces et par déductions
- Souvent coupés du monde civil et de la presse, pour lesquels l’offensive Nivelle n’est pas un secret et constitue même un objet de débats, les soldats comptent avant tout sur leur expérience de la guerre pour se former leur propre opinion.
- La perspective de l’attaque est d’abord diffuse, parce l’on sort de l’hiver et que l’on attend comme chaque année la « grande offensive de printemps ».
- L’accumulation d’hommes et de matériel est un indice évident des préparatifs : « Toute la DI se livre à d’importantes manœuvres qui laissent présager une offensive pour le printemps prochain. » (Louis Désalbres)
- On cherche ensuite confirmation par le contact avec les autres : ce sont les « rumeurs », les « bruits », mais aussi les conversations qui permettent d’en savoir plus sur une destination ou un projet du commandement, qui laisse le plus souvent les soldats dans l’ignorance. Le vaguemestre et, surtout, la « popote », jouent un rôle essentiel ; « la roulante constituait pour nous le trait d’union entre nos lignes, où nous étions isolés de tout, et le même monde extérieur, ou intérieur. A chaque distribution de vivres, c’est-à-dire chaque nuit, les hommes de corvée apportaient les dernières nouvelles du dehors. » (Antoine Grillet)
- Enfin, les hommes se fient aux « indices corporels ». Le paquetage en est un, très fiable : « Nous touchons des vivres pour 6 jours. On fait des paquetages d’attaque : les couvertures et les vivres roulés dans la toile de tente portée en sautoir, les musettes pleines de grenades, fusées, cartouches, etc. » (Xavier Chaïla). L’équipement impeccable des troupes, la multiplication des défilés, autant d’éléments qui annoncent la future attaque.
A l’horizon, « l’offensive finale »
- Malgré les difficultés qui existent pour percevoir le réel état d’esprit des soldats, surtout face aux processus de réécriture ou de modification de la mémoire, « il est clair que c’est l’espoir qui domine les représentations, beaucoup de soldats attendant de l’offensive qu’elle mette fin au conflit. Toutefois, leur horizon d’attente se partage entre optimisme et crainte, entre conscience de la force et risques du secret éventé. »
- On espère une opération « décisive » mais aussi économe en hommes : c’est pourquoi certains soldats insistent sur la présence des chars, armes nouvelle sur laquelle on compte beaucoup (« Devant nous, nous aurions de nouveaux engins extraordinaires, dévastateurs et irrésistibles », Lucien Auvray)
- Les craintes des soldats tiennent avant tout au secret, que l’on estime indispensable à la bonne réussite de l’attaque. « Devant notre activité, l’ennemi se remue de plus en plus, nous ne cachons toujours pas nos mouvements, nous n’avons jamais vu une chose pareille. On croirait que le dirigeant de l’attaque fait tout pour que l’ennemi suive tous nos préparatifs et cependant la vie de combien d’entre nous est en jeu ! » (Paul Mencier)
- Au total, « à la vue des nombreuses divisions concentrées dans cette région, une confiance générale règne dans la troupe. » « Le moral des hommes est grand. C’est même de l’enthousiasme, on plaisante, on s’interpelle dans toutes les sections. Ca va être la percée. Le Boche va recevoir une avalanche sur le dos. C’est la fin de la guerre pour cette année. » (Louis Désalbres, 31 mars et 12 avril 1917)
Discours : la forme officielle et mobilisatrice des anticipations
- Le message sans précision du général Nivelle (« L’heure est venue. Confiance et Courage. Vive la France ») montre bien que tout le monde connaît la nature de l’offensive qui va se déclencher et son importance pour le sort de la guerre. « L’horizon d’attenter partagé se dévoile donc ici nettement. »
- Dans les unités, les discours insistent sur la « masse », gage de succès, sur la prochaine libération du territoire et sur la minimisation du coût humain.
- « Derrière la fonction de mobilisation qu’ils remplissent, ces discours révèlent que le modèle suivant lequel la bataille est imaginée et anticipée est partagé par les chefs et les soldats. Lorsque éclatera sa complète inadéquation à la réalité, la crise n’en sera que plus profonde. »
- « Une partie importante de la bataille est engagée bien avant qu’elle ait commencé, et ce que les survivants en diront dans leurs témoignages en porte la marque, celle d’une amère désillusion. »
Source : André Loez, « La bataille avant la bataille : imaginer et deviner l’offensive », in N. Offenstadt (dir.), op. cit., pages 179 à 187 (les citations sont de l’auteur, sauf indication)
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- Les espoirs et les anticipations des soldats, leur vision de leur futur, forment un « horizon d’attente » (R. Koselleck).
Indices : une connaissance par traces et par déductions
- Souvent coupés du monde civil et de la presse, pour lesquels l’offensive Nivelle n’est pas un secret et constitue même un objet de débats, les soldats comptent avant tout sur leur expérience de la guerre pour se former leur propre opinion.
- La perspective de l’attaque est d’abord diffuse, parce l’on sort de l’hiver et que l’on attend comme chaque année la « grande offensive de printemps ».
- L’accumulation d’hommes et de matériel est un indice évident des préparatifs : « Toute la DI se livre à d’importantes manœuvres qui laissent présager une offensive pour le printemps prochain. » (Louis Désalbres)
- On cherche ensuite confirmation par le contact avec les autres : ce sont les « rumeurs », les « bruits », mais aussi les conversations qui permettent d’en savoir plus sur une destination ou un projet du commandement, qui laisse le plus souvent les soldats dans l’ignorance. Le vaguemestre et, surtout, la « popote », jouent un rôle essentiel ; « la roulante constituait pour nous le trait d’union entre nos lignes, où nous étions isolés de tout, et le même monde extérieur, ou intérieur. A chaque distribution de vivres, c’est-à-dire chaque nuit, les hommes de corvée apportaient les dernières nouvelles du dehors. » (Antoine Grillet)
- Enfin, les hommes se fient aux « indices corporels ». Le paquetage en est un, très fiable : « Nous touchons des vivres pour 6 jours. On fait des paquetages d’attaque : les couvertures et les vivres roulés dans la toile de tente portée en sautoir, les musettes pleines de grenades, fusées, cartouches, etc. » (Xavier Chaïla). L’équipement impeccable des troupes, la multiplication des défilés, autant d’éléments qui annoncent la future attaque.
A l’horizon, « l’offensive finale »
- Malgré les difficultés qui existent pour percevoir le réel état d’esprit des soldats, surtout face aux processus de réécriture ou de modification de la mémoire, « il est clair que c’est l’espoir qui domine les représentations, beaucoup de soldats attendant de l’offensive qu’elle mette fin au conflit. Toutefois, leur horizon d’attente se partage entre optimisme et crainte, entre conscience de la force et risques du secret éventé. »
- On espère une opération « décisive » mais aussi économe en hommes : c’est pourquoi certains soldats insistent sur la présence des chars, armes nouvelle sur laquelle on compte beaucoup (« Devant nous, nous aurions de nouveaux engins extraordinaires, dévastateurs et irrésistibles », Lucien Auvray)
- Les craintes des soldats tiennent avant tout au secret, que l’on estime indispensable à la bonne réussite de l’attaque. « Devant notre activité, l’ennemi se remue de plus en plus, nous ne cachons toujours pas nos mouvements, nous n’avons jamais vu une chose pareille. On croirait que le dirigeant de l’attaque fait tout pour que l’ennemi suive tous nos préparatifs et cependant la vie de combien d’entre nous est en jeu ! » (Paul Mencier)
- Au total, « à la vue des nombreuses divisions concentrées dans cette région, une confiance générale règne dans la troupe. » « Le moral des hommes est grand. C’est même de l’enthousiasme, on plaisante, on s’interpelle dans toutes les sections. Ca va être la percée. Le Boche va recevoir une avalanche sur le dos. C’est la fin de la guerre pour cette année. » (Louis Désalbres, 31 mars et 12 avril 1917)
Discours : la forme officielle et mobilisatrice des anticipations
- Le message sans précision du général Nivelle (« L’heure est venue. Confiance et Courage. Vive la France ») montre bien que tout le monde connaît la nature de l’offensive qui va se déclencher et son importance pour le sort de la guerre. « L’horizon d’attenter partagé se dévoile donc ici nettement. »
- Dans les unités, les discours insistent sur la « masse », gage de succès, sur la prochaine libération du territoire et sur la minimisation du coût humain.
- « Derrière la fonction de mobilisation qu’ils remplissent, ces discours révèlent que le modèle suivant lequel la bataille est imaginée et anticipée est partagé par les chefs et les soldats. Lorsque éclatera sa complète inadéquation à la réalité, la crise n’en sera que plus profonde. »
- « Une partie importante de la bataille est engagée bien avant qu’elle ait commencé, et ce que les survivants en diront dans leurs témoignages en porte la marque, celle d’une amère désillusion. »
Source : André Loez, « La bataille avant la bataille : imaginer et deviner l’offensive », in N. Offenstadt (dir.), op. cit., pages 179 à 187 (les citations sont de l’auteur, sauf indication)
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