- Commune (regroupant trois villages) proche de l’A26, au Nord-Est de Corbeny
- 1 830 habitants
- La population de Saint-Erme-Outre-et-Ramecourt est d’environ 1 200 personnes quand commence la guerre, qui voit la commune occupée par les Allemands de septembre 1914 à octobre 1918. Les villages subissent les contraintes de l’occupation mais sont relativement épargnés par les bombardements, la ligne de front n’étant pas à proximité immédiate.
- Le recensement comptabilise environ un millier d’habitants en 1921, mais le chiffre remonte assez rapidement à son niveau antérieur.
- Dans le cimetière communal ont été regroupées 76 tombes de soldats britanniques morts pendant la première guerre (et 8 de soldats de la seconde).
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Connaître et comprendre le lieu, les hommes, les événements et la mémoire du Chemin des Dames
mercredi 30 septembre 2009
dimanche 27 septembre 2009
R comme Reifenberg (Benno)
- Journaliste et écrivain allemand
- Bonn 1882 – Kronberg 1970
- Benno Reifenberg est lieutenant dans l’artillerie en 1918 au Chemin des Dames.
- En 1919 il entre au Frankfurter Zeitung et commence une brillante carrière de journaliste, bien que freinée un temps par les nazis.
- En 1951, il retourne au Chemin des Dames, entre Laon et Cerny-en-Laonnois, puis publie le récit de son voyage (Lichte Statten, 1953). Il observe le Chemin des Dames depuis le versant nord de l’Ailette : « La crête en face n’était pas plus haute mais elle bouchait tout l’horizon vers le sud. Puissante, sans arbre ; on ne pouvait pas aller plus loin. Une barrière, attaquée et défendue du nord et du sud ; on se disait toujours : si seulement nous pouvions aller sur la crête d’est en ouest, alors il n’y aurait plus de front, il y aurait un chemin, il y aurait la paix ; mais il n’y avait pas de chemin ici, la crête était éventrée et il y avait là seulement cette craie blanche, comme un squelette. »
Source principale : Olaf Müller, « “Cette craie blanche, comme un squelette …” Représentations littéraires du Chemin des Dames en France et en Allemagne », in N. Offenstadt (dir.), op. cit., pages 326/327
NDLA: ne parlant pas allemand, je suis preneur de toute information disponible sur les Chemin des Dames vu par "l'autre" camp ... Merci d'avance
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- Bonn 1882 – Kronberg 1970
- Benno Reifenberg est lieutenant dans l’artillerie en 1918 au Chemin des Dames.
- En 1919 il entre au Frankfurter Zeitung et commence une brillante carrière de journaliste, bien que freinée un temps par les nazis.
- En 1951, il retourne au Chemin des Dames, entre Laon et Cerny-en-Laonnois, puis publie le récit de son voyage (Lichte Statten, 1953). Il observe le Chemin des Dames depuis le versant nord de l’Ailette : « La crête en face n’était pas plus haute mais elle bouchait tout l’horizon vers le sud. Puissante, sans arbre ; on ne pouvait pas aller plus loin. Une barrière, attaquée et défendue du nord et du sud ; on se disait toujours : si seulement nous pouvions aller sur la crête d’est en ouest, alors il n’y aurait plus de front, il y aurait un chemin, il y aurait la paix ; mais il n’y avait pas de chemin ici, la crête était éventrée et il y avait là seulement cette craie blanche, comme un squelette. »
Source principale : Olaf Müller, « “Cette craie blanche, comme un squelette …” Représentations littéraires du Chemin des Dames en France et en Allemagne », in N. Offenstadt (dir.), op. cit., pages 326/327
NDLA: ne parlant pas allemand, je suis preneur de toute information disponible sur les Chemin des Dames vu par "l'autre" camp ... Merci d'avance
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samedi 26 septembre 2009
C comme Craonne (Chanson de)
- Chanson la plus enregistrée et la plus célèbre de la première guerre mondiale
La Chanson de Craonne interprétée par Marc Ogeret :
http://www.dailymotion.com/video/x30dzv_chanson-de-craonne_events
D'autres versions sur Deezer
- La Chanson de Craonne est adaptée d’un grand succès du café-concert des années qui précèdent la guerre, Bonsoir m’amour, composée en 1911 par Charles Adhémar Sablon (les paroles originelles sont de René Le Peltier).
- Bonsoir m’amour donne à la fois sa musique et sa structure à La Chanson de Craonne : trois couplet et deux, voire trois, refrains, le dernier déjà très différent des deux premiers.
- Une première version détournée, La Chanson de Lorette, est créée début 1916 dans l’Artois lors des combats terribles pour cette colline. L’auteur précis est inconnu. Cette version est reportée par Paul Vaillant-Couturier
- La chanson est ensuite reprise et adaptée selon le champ de bataille : Lorette est remplacée par Champagne, Argonne ou Verdun. Le courrier intercepté montre le succès de cette chanson chez les poilus, qui se la transmettent entre eux.
- En tout état de cause, la chanson dans sa version presque définitive (il faudra juste substituer « Craonne » aux autres noms de lieux, quitte à modifier la prononciation correcte du nom du village, [kran]) est bien antérieure à l’offensive Nivelle et aux mutineries qui la suivent. « Dès sa création, dès 1915-1916, La Chanson de Craonne est l’exutoire de la lassitude et d’une certaine révolte des combattants. En l’associant à la crise du printemps 1917, en en faisant le chant de guerre des mutins, on laisse à pense que la lassitude et la révolte n’ont gagné les poilus que tardivement, alors que de tels sentiments étaient depuis de nombreux mois partagés, et aussi exprimés, pour certains. Recopier ces paroles, les apprendre, avant même de les chanter ou de les reprendre en chœur, c’est adhérer à ce qu’elles expriment. »
- La première mention de La Chanson de Craonne date du 16 août 1917, quand une lettre non signée du 89e RI est saisie qui la mentionne, même si le titre n’est pas encore définitif … Dans son livre La Saignée (1920), Georges Bonnamy rapporte qu’on la chantait dans son unité (le 131e RI) en juin de la même année.
- En 1961, la chanson figure dans L’Histoire de France par les chansons de P. Barbier et F. Vernillat, avant d’être enregistrée officiellement pour la première fois en 1963 par Eric Amado.
- Dans les dernières années, les versions de La Chanson de Craonne se multiplient, tandis qu’elle gagne sa place dans les manuels scolaires et devient pour le grand public le symbole de la première guerre mondiale et du vécu des combattants …
Source principale : Guy Marival, « La Chanson de Craonne de la chanson palimpseste à la chanson manifeste », in N. Offenstadt (dir.), op. cit., pages 350 à 359
Texte de la chanson (paroles retranscrites par Paul Vaillant-Couturier)
Quand au bout d'huit jours le r'pos terminé
On va reprendre les tranchées,
Notre place est si utile
Que sans nous on prend la pile
Mais c'est bien fini, on en a assez
Personne ne veut plus marcher
Et le cœur bien gros, comm' dans un sanglot
On dit adieu aux civ'lots
Même sans tambours, même sans trompettes
On s'en va là-haut en baissant la tête
Adieu la vie, adieu l'amour,
Adieu toutes les femmes
C'est bien fini, c'est pour toujours
De cette guerre infâme
C'est à Craonne sur le plateau
Qu'on doit laisser sa peau
Car nous sommes tous condamnés
C'est nous les sacrifiés
Huit jours de tranchée, huit jours de souffrance
Pourtant on a l'espérance
Que ce soir viendra la r'lève
Que nous attendons sans trêve
Soudain dans la nuit et le silence
On voit quelqu'un qui s'avance
C'est un officier de chasseurs à pied
Qui vient pour nous remplacer
Doucement dans l'ombre sous la pluie qui tombe
Les petits chasseurs vont chercher leurs tombes
Adieu la vie, adieu l'amour,
Adieu toutes les femmes
C'est bien fini, c'est pour toujours
De cette guerre infâme
C'est à Craonne sur le plateau
Qu'on doit laisser sa peau
Car nous sommes tous condamnés
C'est nous les sacrifiés
C'est malheureux d'voir sur les grands boulevards
Tous ces gros qui font la foire
Si pour eux la vie est rose
Pour nous c'est pas la même chose
Au lieu d'se cacher tous ces embusqués
Feraient mieux d'monter aux tranchées
Pour défendre leur bien, car nous n'avons rien
Nous autres les pauv' purotins
Tous les camarades sont enterrés là
Pour défendr' les biens de ces messieurs là
Ceux qu'ont le pognon, ceux-là reviendront
Car c'est pour eux qu'on crève
Mais c'est fini, car les trouffions
Vont tous se mettre en grève
Ce s'ra votre tour messieurs les gros
De monter sur l'plateau
Car si vous voulez faire la guerre
Payez-la de votre peau
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La Chanson de Craonne interprétée par Marc Ogeret :
http://www.dailymotion.com/video/x30dzv_chanson-de-craonne_events
D'autres versions sur Deezer
- La Chanson de Craonne est adaptée d’un grand succès du café-concert des années qui précèdent la guerre, Bonsoir m’amour, composée en 1911 par Charles Adhémar Sablon (les paroles originelles sont de René Le Peltier).
- Bonsoir m’amour donne à la fois sa musique et sa structure à La Chanson de Craonne : trois couplet et deux, voire trois, refrains, le dernier déjà très différent des deux premiers.
- Une première version détournée, La Chanson de Lorette, est créée début 1916 dans l’Artois lors des combats terribles pour cette colline. L’auteur précis est inconnu. Cette version est reportée par Paul Vaillant-Couturier
- La chanson est ensuite reprise et adaptée selon le champ de bataille : Lorette est remplacée par Champagne, Argonne ou Verdun. Le courrier intercepté montre le succès de cette chanson chez les poilus, qui se la transmettent entre eux.
- En tout état de cause, la chanson dans sa version presque définitive (il faudra juste substituer « Craonne » aux autres noms de lieux, quitte à modifier la prononciation correcte du nom du village, [kran]) est bien antérieure à l’offensive Nivelle et aux mutineries qui la suivent. « Dès sa création, dès 1915-1916, La Chanson de Craonne est l’exutoire de la lassitude et d’une certaine révolte des combattants. En l’associant à la crise du printemps 1917, en en faisant le chant de guerre des mutins, on laisse à pense que la lassitude et la révolte n’ont gagné les poilus que tardivement, alors que de tels sentiments étaient depuis de nombreux mois partagés, et aussi exprimés, pour certains. Recopier ces paroles, les apprendre, avant même de les chanter ou de les reprendre en chœur, c’est adhérer à ce qu’elles expriment. »
- La première mention de La Chanson de Craonne date du 16 août 1917, quand une lettre non signée du 89e RI est saisie qui la mentionne, même si le titre n’est pas encore définitif … Dans son livre La Saignée (1920), Georges Bonnamy rapporte qu’on la chantait dans son unité (le 131e RI) en juin de la même année.
- En 1961, la chanson figure dans L’Histoire de France par les chansons de P. Barbier et F. Vernillat, avant d’être enregistrée officiellement pour la première fois en 1963 par Eric Amado.
- Dans les dernières années, les versions de La Chanson de Craonne se multiplient, tandis qu’elle gagne sa place dans les manuels scolaires et devient pour le grand public le symbole de la première guerre mondiale et du vécu des combattants …
Source principale : Guy Marival, « La Chanson de Craonne de la chanson palimpseste à la chanson manifeste », in N. Offenstadt (dir.), op. cit., pages 350 à 359
Texte de la chanson (paroles retranscrites par Paul Vaillant-Couturier)
Quand au bout d'huit jours le r'pos terminé
On va reprendre les tranchées,
Notre place est si utile
Que sans nous on prend la pile
Mais c'est bien fini, on en a assez
Personne ne veut plus marcher
Et le cœur bien gros, comm' dans un sanglot
On dit adieu aux civ'lots
Même sans tambours, même sans trompettes
On s'en va là-haut en baissant la tête
Adieu la vie, adieu l'amour,
Adieu toutes les femmes
C'est bien fini, c'est pour toujours
De cette guerre infâme
C'est à Craonne sur le plateau
Qu'on doit laisser sa peau
Car nous sommes tous condamnés
C'est nous les sacrifiés
Huit jours de tranchée, huit jours de souffrance
Pourtant on a l'espérance
Que ce soir viendra la r'lève
Que nous attendons sans trêve
Soudain dans la nuit et le silence
On voit quelqu'un qui s'avance
C'est un officier de chasseurs à pied
Qui vient pour nous remplacer
Doucement dans l'ombre sous la pluie qui tombe
Les petits chasseurs vont chercher leurs tombes
Adieu la vie, adieu l'amour,
Adieu toutes les femmes
C'est bien fini, c'est pour toujours
De cette guerre infâme
C'est à Craonne sur le plateau
Qu'on doit laisser sa peau
Car nous sommes tous condamnés
C'est nous les sacrifiés
C'est malheureux d'voir sur les grands boulevards
Tous ces gros qui font la foire
Si pour eux la vie est rose
Pour nous c'est pas la même chose
Au lieu d'se cacher tous ces embusqués
Feraient mieux d'monter aux tranchées
Pour défendre leur bien, car nous n'avons rien
Nous autres les pauv' purotins
Tous les camarades sont enterrés là
Pour défendr' les biens de ces messieurs là
Ceux qu'ont le pognon, ceux-là reviendront
Car c'est pour eux qu'on crève
Mais c'est fini, car les trouffions
Vont tous se mettre en grève
Ce s'ra votre tour messieurs les gros
De monter sur l'plateau
Car si vous voulez faire la guerre
Payez-la de votre peau
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vendredi 25 septembre 2009
P comme Pont-Rouge
- Lieu-dit proche de Margival, entre Laffaux et Soissons, sur la N2
- En 1914, une grande sucrerie se trouve à Pont-Rouge.
- De septembre 1914 au début de 1917 (repli sur la ligne Hindenburg), le secteur est allemand. Ensuite, il sert de point de départ aux offensives françaises vers le moulin de Laffaux et subit d’importants dégâts.
- Les combats y sont à nouveau violents en septembre 1918, lors de la contre-offensive alliée.
- La sucrerie est donc entièrement détruite en 1918.
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- En 1914, une grande sucrerie se trouve à Pont-Rouge.
- De septembre 1914 au début de 1917 (repli sur la ligne Hindenburg), le secteur est allemand. Ensuite, il sert de point de départ aux offensives françaises vers le moulin de Laffaux et subit d’importants dégâts.
- Les combats y sont à nouveau violents en septembre 1918, lors de la contre-offensive alliée.
- La sucrerie est donc entièrement détruite en 1918.
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mercredi 23 septembre 2009
C comme Cendrars (Blaise)
- Poète
- La Chaux-de-Fonds (Suisse) 1887 – Paris 1961
- Voyageant beaucoup dans sa jeunesse, Blaise Cendrars commence à écrire et à fréquenter les cercles littéraires parisiens vers 1910.
- Quand la guerre éclate, il lance un appel à la mobilisation des artistes étrangers et s’engage dans la Légion étrangère. En 1915, il est gravement blessé en Champagne et doit être amputé du bras droit.
- Après une période de déprime et d’adaptation, le « poète de la main gauche » se consacre alors à l’écriture et au cinéma.
- Dans La main coupée, en 1940, il écrit :
« Comme le chantaient les hommes en descendant du Chemin des Dames :
Jean de Nivelle nous a nivelés
Et Joffre nous a offerts à la guerre !
Et Foch nous a fauchés …
Et Pétain nous a pétris …
Et Marchand ne nous a pas marchandés …
Et Mangin nous a mangés ! »
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- La Chaux-de-Fonds (Suisse) 1887 – Paris 1961
- Voyageant beaucoup dans sa jeunesse, Blaise Cendrars commence à écrire et à fréquenter les cercles littéraires parisiens vers 1910.
- Quand la guerre éclate, il lance un appel à la mobilisation des artistes étrangers et s’engage dans la Légion étrangère. En 1915, il est gravement blessé en Champagne et doit être amputé du bras droit.
- Après une période de déprime et d’adaptation, le « poète de la main gauche » se consacre alors à l’écriture et au cinéma.
- Dans La main coupée, en 1940, il écrit :
« Comme le chantaient les hommes en descendant du Chemin des Dames :
Jean de Nivelle nous a nivelés
Et Joffre nous a offerts à la guerre !
Et Foch nous a fauchés …
Et Pétain nous a pétris …
Et Marchand ne nous a pas marchandés …
Et Mangin nous a mangés ! »
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samedi 19 septembre 2009
B comme Balcon
- Tranchée allemande proche de Craonne, juste sous le Chemin des Dames
- Elle longe les rebords du plateau de Californie, depuis le tourillon de Vauclerc (aujourd’hui à proximité de la statue Napoléon) jusqu’au saillant du Jutland.
- Le 16 avril 1917, c’est le 201e RI qui attaque en direction de la tranchée du Balcon. « Pour arriver jusqu’à la tranchée du Balcon, il nous faut traverser le Ravin sans nom ; au bord de son ruisseau, des violettes, et la neige tombe. Il y a 8 à 900 mètres de nos tranchées au bord de la falaise. A 6 heures les 5e et 6e bataillons s’élancent avec un entrain splendide. Au fur et à mesure que nous progressons la tranchée du Balcon semble s’élever. Le ruisseau franchi, nos vagues subissent un feu d’enfer. Beaucoup sont touchés. Ceux qui parviennent au pied du Balcon se terrent sous les nappes de balles. » (Charles Augustin, soldat du 201e RI cité par R.-G. Nobécourt)
- Depuis les deux « bastions » du tourillon et de Jutland, le feu des mitrailleuses est en effet particulièrement nourri, « en des points signalés chaque jour au commandement et à l’artillerie par le Service de Renseignements du régiment et l’Officier d’artillerie de liaison au 201e. » (JMO du 201e RI)
- Le régiment atteint le « Balcon », très difficilement, perdant tous ses officiers ; le capitaine Georges Battet et ses hommes du 4e bataillon profitent en effet d’un boyau non gardé pour s’infiltrer dans la tranchée et la nettoyer à la grenade. Le lendemain, le 201e doit la défendre face à la contre-attaque allemande depuis la tranchée suivante, celle des Sapinières, qui communique avec le Balcon par un tunnel. Le capitaine Battet, 23 ans, est blessé mortellement d’une balle à la tête, ses hommes résistant autour de lui ; il meurt au poste de secours de Beaurieux le 18.
- Le 33e RI remplace le 201e tellement éprouvé le 17 avril et parvient à conserver la tranchée du Balcon en fin de journée.
- Pendant plusieurs jours, les Français doivent défendre leur position, qui leur sert de tranchée de repli lorsqu’ils échouent à aller plus avant.
- A noter qu’il existe aussi une tranchée du Balcon tout près de Soupir, elle aussi prise par les Français le 16 avril 1917.
Sources principales : JMO du 201e RI, Lettre du Chemin des Dames n°15 et R.-G. Nobécourt, op. cit., pages 149 et 182 notamment
vendredi 18 septembre 2009
V comme Villers-en-Prayères
- Village de la rive gauche de l’Aisne, au sud d’Oeuilly
- 120 habitants
- Quand commence la guerre, Villers-en-Prayère est une commune d’environ 170 habitants traversée par le CBR.
- Après la contre-offensive alliée de septembre 1914, le village est français et sert de base arrière au Chemin des Dames. Pour de nombreux régiments, il s’agit de la dernière halte « paisible » avant de monter à l’assaut.
- Le 2 juillet 1917, le bataillon somali du RICM s’y mutine et refuse de remonter en première ligne (cf. G. Pedroncini).
- Lors du repli allemand de septembre 1918, les combats sur l’Aisne sont acharnés dans le secteur. L’église Saint-Médard du XIIIe siècle est entièrement détruite (elle est reconstruite entre 1925 et 1927 dans le cadre de la coopérative de Longueval).
- Le chiffre de la population baisse peu : le recensement de 1921 attribue 160 habitants à la commune.
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- 120 habitants
- Quand commence la guerre, Villers-en-Prayère est une commune d’environ 170 habitants traversée par le CBR.
- Après la contre-offensive alliée de septembre 1914, le village est français et sert de base arrière au Chemin des Dames. Pour de nombreux régiments, il s’agit de la dernière halte « paisible » avant de monter à l’assaut.
- Le 2 juillet 1917, le bataillon somali du RICM s’y mutine et refuse de remonter en première ligne (cf. G. Pedroncini).
- Lors du repli allemand de septembre 1918, les combats sur l’Aisne sont acharnés dans le secteur. L’église Saint-Médard du XIIIe siècle est entièrement détruite (elle est reconstruite entre 1925 et 1927 dans le cadre de la coopérative de Longueval).
- Le chiffre de la population baisse peu : le recensement de 1921 attribue 160 habitants à la commune.
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dimanche 13 septembre 2009
R comme Rillart de Verneuil (Henri)
- Homme politique français
- Faverolles (Loiret) 1870 – Paris 1948
- Originaire du Laonnois, la famille Rillart de Verneuil quitte la région lors de l’avancée prussienne en 1870, tout en restant attachée à ses origines.
- Après des études à Paris puis cinq années dans l’armée, Henri se marie à Verneuil-Courtonne puis acquiert le château de la Bove (1893), qu’il fait rénover et agrandir. Il devient maire de Bouconville de 1904 à 1908 puis à partir de 1912.
- En 1914, Henri Rillart de Verneuil est lieutenant puis capitaine au 6e Chasseurs (sa femme s’engage comme infirmière). Il est blessé en 1916.
- En 1917, il fournit les renseignements qui entraînent la destruction totale de son château (le 15 avril, par 150 obus de 370), siège de l’état-major allemand ; il le fait reconstruire après-guerre.
- Rillart de Verneuil est élu député de l’Aisne en 1919 puis président de l’Union nationale des Combattants, enfin sénateur en 1934. Il se consacre essentiellement aux dommages de guerre et aux dossiers des mutilés. Il est aussi à l’origine de la (re)construction du monument d’Hurtebise.
Source principale: Exposition de la Caverne du Dragon sur l'Aisne après-guerre
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- Faverolles (Loiret) 1870 – Paris 1948
- Originaire du Laonnois, la famille Rillart de Verneuil quitte la région lors de l’avancée prussienne en 1870, tout en restant attachée à ses origines.
- Après des études à Paris puis cinq années dans l’armée, Henri se marie à Verneuil-Courtonne puis acquiert le château de la Bove (1893), qu’il fait rénover et agrandir. Il devient maire de Bouconville de 1904 à 1908 puis à partir de 1912.
- En 1914, Henri Rillart de Verneuil est lieutenant puis capitaine au 6e Chasseurs (sa femme s’engage comme infirmière). Il est blessé en 1916.
- En 1917, il fournit les renseignements qui entraînent la destruction totale de son château (le 15 avril, par 150 obus de 370), siège de l’état-major allemand ; il le fait reconstruire après-guerre.
- Rillart de Verneuil est élu député de l’Aisne en 1919 puis président de l’Union nationale des Combattants, enfin sénateur en 1934. Il se consacre essentiellement aux dommages de guerre et aux dossiers des mutilés. Il est aussi à l’origine de la (re)construction du monument d’Hurtebise.
Source principale: Exposition de la Caverne du Dragon sur l'Aisne après-guerre
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samedi 12 septembre 2009
V comme Vendresse (mutinerie)
- Les abandons de poste et les refus d’obéissance individuels ne sont pas rares lors des offensives. Fin avril 1917, les premiers mouvements collectifs apparaissent au Chemin des Dames. Le « mouvement de défection du 321e RI » est le premier vraiment important …
- Le 321e RI, qui devait suivre l’attaque du 16 avril pour exploiter son succès vers Laon, subit d’importantes pertes, dont son colonel, au sud de Cerny-en-Laonnois. Il est mis en réserve le 25 avril dans les tranchées et carrières de Fuleta, près de Chivy, ou dans celles de Madagascar.
- Le 2 mai, l’ordre de remonter au front est accepté avec mauvaise humeur (on remet souvent en cause la préparation d’artillerie, qui n’a pas assez affaibli l’ennemi) et des soldats manquent lorsque les compagnies, notamment les 13 et 14e, arrivent à leurs positions d’attaque.
- On complète le régiment avec une centaine d’hommes provenant du dépôt. Parmi eux, le sous-lieutenant Auguste Jaumes, qui disparaît dans la nuit du 2 au 3 mai …
- Des rumeurs nombreuses circulent sur des refus d’obéissance dans des régiments voisins.
- Au total, il y a 122 absents, dont Jaumes, lorsque le régiment parvient à ses positions d’attaque. La plupart réapparaissent quelques jours plus tard, quand le régiment est renvoyé au repos. Pendant ce temps le bilan pour le 321e est lourd : 87 tués, 274 blessés et 41 disparus en deux jours, les 5 et 6 mai.
- Pour expliquer leur défection, la plupart des soldats mettent en avant des raisons personnelles, même si « la dépression moral est le point commun à tous ». Certains remettent en cause leurs sous-officiers, qui les auraient incités à la révolte. « Mais les témoignages de beaucoup de soldats révèlent surtout leur grande détresse morale et physique » (ils évoquent notamment la mort de leurs frères ou de leurs proches, le manque de nouvelles de leur famille).
- Ne pouvant juger tous les mutins, on décide de déférer ceux qui sont à l’origine du mouvement : on arrête finalement une liste de 33 noms.
- Le sous-lieutenant Jaumes est jugé par contumace, condamné à mort (24 août 1917). Rayé du contrôle des déserteurs en 1938, il meurt à Agde en 1956.
- On juge aussi les sergents chargés de rechercher les fuyards, accusés de provocation à la désertion.
- Les autres accusés sont souvent de « bons soldats » qui se sont cachés pour ne pas monter en première ligne, certains ayant aggravé leur cas par leur attitude au moment de leur arrestation ou par le délai mis pour regagner leur compagnie.
- « En définitive, les 31 soldats déférés devant la justice n’ont rien de “meneurs”. »
- La première séance du conseil de guerre (8 juin 1917) est sévère : deux condamnations à mort (la grâce est accordée). Mais la deuxième est plus modérée : on souligne les difficultés matérielles et morales des soldats. « Trop de fatigue, la désillusion causée par les attaques précédentes, le sentiment d’être promis à une mort certaine, ont créé une sorte de sentiment commun de survie qui les a conduits à se cacher. » On requalifie les accusations (l’abandon de poste « sur territoire en état de guerre » remplaçant l’abandon « en présence de l’ennemi »), et la plupart des accusés sont condamnés à des peines de prison avec sursis.
- Lorsqu’on demande des comptes au juge sur leur clémence, « à mots couverts, il s’agit bien d’une mise en cause de l’encadrement des compagnies et du bataillon concernés par les défections. »
- Certains mutins sont jugés alors que ce sont de « bons soldats », d’autres échappent à toute punition malgré leur attitude. « Tout ce la révèle une grande confusion dans la manière dont on été choisis les soldats déférés devant la justice militaire. Il n’y a peut-être pas eu de tirage au sort mais le choix a souvent été incohérent. »
- Après la requalification des accusations, l’enquête remonte au commandant de Contenson et au capitaine André, qui dirigent le bataillon le plus touché et sont accusés de faiblesse, de ne pas avoir assez utilisé la menace pour faire avancer les réticents. Ils sont tous les deux relevés de leur commandement et envoyés au dépôt. « La fatigue et la dépression morale, finalement admises pour les soldats, n’ont pas valu pour les officiers. »
- La particularité de la mutinerie du 321e RI à Vendresse réside donc dans le fait que le conseil de guerre « a minimisé la faute des soldats et désigné les officiers comme principaux responsables. »
Source : Denis Rolland, « Révolte à Vendresse » , in N. Offenstadt (dir.), op. cit., pages 206 à 216
- Le 321e RI, qui devait suivre l’attaque du 16 avril pour exploiter son succès vers Laon, subit d’importantes pertes, dont son colonel, au sud de Cerny-en-Laonnois. Il est mis en réserve le 25 avril dans les tranchées et carrières de Fuleta, près de Chivy, ou dans celles de Madagascar.
- Le 2 mai, l’ordre de remonter au front est accepté avec mauvaise humeur (on remet souvent en cause la préparation d’artillerie, qui n’a pas assez affaibli l’ennemi) et des soldats manquent lorsque les compagnies, notamment les 13 et 14e, arrivent à leurs positions d’attaque.
- On complète le régiment avec une centaine d’hommes provenant du dépôt. Parmi eux, le sous-lieutenant Auguste Jaumes, qui disparaît dans la nuit du 2 au 3 mai …
- Des rumeurs nombreuses circulent sur des refus d’obéissance dans des régiments voisins.
- Au total, il y a 122 absents, dont Jaumes, lorsque le régiment parvient à ses positions d’attaque. La plupart réapparaissent quelques jours plus tard, quand le régiment est renvoyé au repos. Pendant ce temps le bilan pour le 321e est lourd : 87 tués, 274 blessés et 41 disparus en deux jours, les 5 et 6 mai.
- Pour expliquer leur défection, la plupart des soldats mettent en avant des raisons personnelles, même si « la dépression moral est le point commun à tous ». Certains remettent en cause leurs sous-officiers, qui les auraient incités à la révolte. « Mais les témoignages de beaucoup de soldats révèlent surtout leur grande détresse morale et physique » (ils évoquent notamment la mort de leurs frères ou de leurs proches, le manque de nouvelles de leur famille).
- Ne pouvant juger tous les mutins, on décide de déférer ceux qui sont à l’origine du mouvement : on arrête finalement une liste de 33 noms.
- Le sous-lieutenant Jaumes est jugé par contumace, condamné à mort (24 août 1917). Rayé du contrôle des déserteurs en 1938, il meurt à Agde en 1956.
- On juge aussi les sergents chargés de rechercher les fuyards, accusés de provocation à la désertion.
- Les autres accusés sont souvent de « bons soldats » qui se sont cachés pour ne pas monter en première ligne, certains ayant aggravé leur cas par leur attitude au moment de leur arrestation ou par le délai mis pour regagner leur compagnie.
- « En définitive, les 31 soldats déférés devant la justice n’ont rien de “meneurs”. »
- La première séance du conseil de guerre (8 juin 1917) est sévère : deux condamnations à mort (la grâce est accordée). Mais la deuxième est plus modérée : on souligne les difficultés matérielles et morales des soldats. « Trop de fatigue, la désillusion causée par les attaques précédentes, le sentiment d’être promis à une mort certaine, ont créé une sorte de sentiment commun de survie qui les a conduits à se cacher. » On requalifie les accusations (l’abandon de poste « sur territoire en état de guerre » remplaçant l’abandon « en présence de l’ennemi »), et la plupart des accusés sont condamnés à des peines de prison avec sursis.
- Lorsqu’on demande des comptes au juge sur leur clémence, « à mots couverts, il s’agit bien d’une mise en cause de l’encadrement des compagnies et du bataillon concernés par les défections. »
- Certains mutins sont jugés alors que ce sont de « bons soldats », d’autres échappent à toute punition malgré leur attitude. « Tout ce la révèle une grande confusion dans la manière dont on été choisis les soldats déférés devant la justice militaire. Il n’y a peut-être pas eu de tirage au sort mais le choix a souvent été incohérent. »
- Après la requalification des accusations, l’enquête remonte au commandant de Contenson et au capitaine André, qui dirigent le bataillon le plus touché et sont accusés de faiblesse, de ne pas avoir assez utilisé la menace pour faire avancer les réticents. Ils sont tous les deux relevés de leur commandement et envoyés au dépôt. « La fatigue et la dépression morale, finalement admises pour les soldats, n’ont pas valu pour les officiers. »
- La particularité de la mutinerie du 321e RI à Vendresse réside donc dans le fait que le conseil de guerre « a minimisé la faute des soldats et désigné les officiers comme principaux responsables. »
Source : Denis Rolland, « Révolte à Vendresse » , in N. Offenstadt (dir.), op. cit., pages 206 à 216
vendredi 11 septembre 2009
M comme Monument des aviateurs
- Monument situé près de la ferme de Folemprise, au Sud-ouest d’Ostel
- Il est dédié à la mémoire de deux aviateurs de la 7e escadrille, l’observateur Marcel Vernes et le sergent-pilote Jean Peinaud, dont l’avion de reconnaissance fut abattu à cet endroit-là (alors en zone allemande), le 24 mars 1917. Les deux corps reposent sous une grande dalle surmontée d’une imposante stèle.
- C’est la famille Vernes, issue de la bourgeoisie protestante parisienne, qui prend en charge les frais d’érection. Après s’être préoccupé du devenir du corps de leur fils dans les jours qui suivent sa mort et avoir cherché à collecter le plus d’informations possible auprès de ses camarades (photographies, objets personnels), les parents Vernes décident de dresser une sépulture temporaire en pierre aux deux hommes (apparemment sans demander l’avis de la famille Peinaud). Enfin, après la guerre (1921), la famille Vernes fait construire le monument actuel, où elle va se recueillir fréquemment.
- « Pour cette famille, le Chemin des Dames est devenue « un lieu de mémoire » douloureux où gît un fils que la guerre a arraché, comme tant d’autres, à un avenir que ses ascendants pressentaient brillants. »
- Le monument, légué par la famille Vernes, est aujourd’hui propriété de la commune d’Ostel.
Source principale : Jean-François Jagielski, « Mémoire collective/mémoire individuelle : les monuments commémoratifs du Chemin des Dames après la guerre », in N. Offenstadt (dir.), op. cit., pages 281 à 284
mercredi 9 septembre 2009
A comme Ardon
- Rivière affluent de l’Ailette (rive droite)
- 11 km environ
- L’Ardon prend sa source tout près de Laon et se jette dans l’Ailette au Nord de Chavignon
- Entre septembre 1914 et octobre 1918, tout le bassin de l’Ardon est allemand, avec comme axe essentiel pour le ravitaillement du front du Chemin des Dames la route de Soissons à Maubeuge (actuelle N2).
- Les 12 et 13 octobre 1918, la zone est libérée par les Alliés.
dimanche 6 septembre 2009
L comme Littérature(s)
De l’événement au texte
- Alors que Gabriel Chevallier écrit dans La Peur (1930) : « Mon tremblement intérieur répond au grand tremblement du Chemin des Dames », le lieu n’évoque rien en Allemagne dès les lendemains de la guerre sauf chez les anciens combattants et les historiens bien sûr).
- La littérature (au sens large) allemande est rare et de faible qualité (« ouvrages sans valeur et peu engageants »).
- En revanche, la production française qui donne une place centrale au Chemin des Dames est abondante jusqu’aujourd’hui, que ce soit en littérature, dans le cinéma ou même la chanson.
- Les romans allemands les plus célèbres ne citent pas explicitement le Chemin des Dames, même lorsque l’action s’y déroule, comme c’est le cas dans Krieg, de Ludwig Renn (1928). On devine le lieu par les endroits évoqués dans « l’un des rares romans sérieux qui, après 1945, traite encore de la Première Guerre mondiale », Ordung ist das ganze Leben. Roman meines Vaters, de Ludwig Harig (1986), dont le narrateur emprunte la RN 44 de Laon à Reims.
Le Chemin des Dames : de la réalité à la métaphore
- Côté allemand, dès 1917, « le contraste entre une région particulièrement calme et isolée et la brutalité exacerbée des conflits qui s’y déroulèrent structure presque tous les textes qui ont pour objet les combats du Chemin des Dames. » Les références historiques qui expliquent le nom du lieu reviennent aussi fréquemment, souvent sous forme de commentaires moqueurs ou « d’un discours antifrançais sur la décadence des mœurs. » « La contre-représentation […] que le lecteur allemand peut sans difficulté se faire à la lecture de tels passages est celle d’un monde militaire viril, renvoyant à la légende de l’ascétisme et de l’efficacité terrifiante de l’armée prussienne. »
- L’explication du nom revient aussi dans les romans français Hortense 14-18 de Cecil Saint-Laurent et, surtout, Le Chemin des Dames de Geneviève Dormann (1964). Dans ce dernier le héros, Brecey, est poursuivi toute sa vie par ces mots et ce qu’ils symbolisent d’héroïsme, de souffrance et d’héritage (son grand-père y ayant combattu) ; sa visite sur les lieux s’avère finalement décevante, et il conclut : « Le Chemin des Dames est un minuscule coin de France qui n’est même pas signalé sur les cartes routières. On peut très bien passer à côté. »
- En 1989, Jean Rousselot publie un recueil de poèmes en prose, Le Chemin des Dames et ses écarts. « Le sens métaphorique prédomine dans ce livre qui se laisse lire comme une sorte de roman d’apprentissage érotique et décrit le chemin sur lequel le je lyrique a pu, au cours de sa vie, approcher de nombreuses femmes. »
- « La dimension symbolique du Chemin des Dames qui, tel un verrou glissant d’ouest en est, bloquait les déplacements des Allemands du nord vers le sud et ceux des Français su sud vers le nord, est soulignée par beaucoup d’auteurs. »
- Ancien combattant des lieux, le journaliste allemand Benno Reifenberg y retourne dans les années 50. Il observe le Chemin des Dames depuis le versant nord de l’Ailette : « La crête en face n’était pas plus haute mais elle bouchait tout l’horizon vers le sud. Puissante, sans arbre ; on ne pouvait pas aller plus loin. Une barrière, attaquée et défendue du nord et du sud ; on se disait toujours : si seulement nous pouvions aller sur la crête d’est en ouest, alors il n’y aurait plus de front, il y aurait un chemin, il y aurait la paix ; mais il n’y avait pas de chemin ici, la crête était éventrée et il y avait là seulement cette craie blanche, comme un squelette. »
- Un parcours similaire est fait par Eugène Dabit, qui voyage à vélo entre Aisne et Ailette en 1936, sur les traces de son passé de soldat. « A ma droite, c’est Oulches, flambant neuf, méconnaissable, l’Oulches véritable c’est celui que je conserve précieusement dans mon souvenir, monceau de ruines. Une large vallée s’étend, avec des espaces verts ou nouvellement travaillés, des boqueteaux, des pentes douces, puis raides, qui viennent finir au Chemin des Dames. C’est cette crête qui se dessine finement sur le ciel, le Chemin des Dames. Je ne l’ai jamais vu comme aujourd’hui, parce que jamais je ne me suis tenu debout là où je suis, immobile, nous passions en vitesse, prêts à nous allonger contre terre. »
- On remarque l’importance du désir d’une vision d’ensemble chez tous les anciens combattants, dont le rêve souvent est d’être pilote d’avion. « Un champ de vision plus limité que celui de l’oiseau ou du pilote, mais auquel aspiraient tous les soldats allongés dans les vallées, était celui qu’on avait depuis le sommet de la crête, une vue libre et sans danger. »
Le paysage du Chemin des Dames : de l’Idylle à l’Enfer
- Dans Le Chemin des Dames en feu (1923), Georges Gaudy présente une vision idyllique des lieux : « Dans un vieux grenier, j’avais découvert l’Anabase [de Xénophon] et les Géorgiques [de Virgile], et mon caprice me portant d’un livre à l’autre, mes pensées s’harmonisaient avec ce décor bucolique où l’héroïsme à tout instant pouvait naître. A deux lieues à peine, le canon s’époumonait. » Cette vision des choses est commune à de nombreux anciens combattants des deux armées (alors que Verdun est parfois présenté comme un lieu fait pour se battre …).
- « Le recours à un modèle littéraire, pour exprimer le contraste saisissant entre le paysage dont la beauté passe pour extraordinaire et les boucheries humaines qui s’y sont déroulées de 1914 à 1918, est souvent un moyen pour essayer de comprendre ce paradoxe. L’idée la plus couramment exprimée est que la guerre est en contradiction naturelle avec l’atmosphère idyllique de la région. » Le pacifiste René Naegelen écrit dans Les Suppliciés (1927) « Le Chemin des Dames, dont le nom évoque toute la galanterie du XVIIIe siècle et qu’on imaginerait volontiers sous de charmants ombrages, est un plateau nu et désolé, déchiré par le fer, frémissant sous les coups. »
- Les auteurs utilisent aussi le champ sémantique de l’enfer pour décrire le terrain bouleversé par l’artillerie, comme c’est le cas sur tous les champs de bataille de la première guerre mondiale. Mais pour certains, surtout côté allemand, ce mot présente « une fascination latente ». Ces auteurs sont en général proches de l’extrême-droite ou du parti nazi. « “L’Enfer” doit plutôt être compris comme une atmosphère, qui incite les soldats à être toujours plus performants et donne aux survivants “descendus aux enfers” un prestige particulier. » Inversement, un auteur communiste comme Ludwig Turek critique l’utilisation du mot à des fins héroïsantes et se moque de l’enfer, qui lui paraît bien inoffensif face aux moyens militaires modernes ; il écrit en 1930 : « Pardon ? Seulement un diable ? Nous avons maintenant un autre mot, on dit : il hurla, il vola, il mentit, il trompa, il trafiqua, il roula des yeux, il falsifia les nouvelles, il assassina, il assassina des milliers de gens, il assassina des millions de gens comme un – général ! Avec ce mot, les gens savent de quoi on parle. »
- Les auteurs français utilisent la notion d’enfer avec moins de scrupules, que ce soit le pacifiste Ernest Florian-Parmentier dans L’Ouragan ou Henry Poulaille dans son roman autobiographique Pain de soldat (1937), ses héros se félicitant d’avoir été affecté près de la Royère, à 20 kilomètres de « l’enfer » de Craonne …
- « Yves Gibeau a particulièrement bien réussi à exprimer l’aspect infernal de la guerre, tout en reflétant, dans une forme minimaliste, la problématique générale de la citation littéraire » : son héros, Scalby, consulte les carnets de guerre de son père décédé puis s’écrie : « Cf. Dante … Et encore ! » (La guerre c’est la guerre, 1961)
Lire pendant la guerre
- Le soldat-lecteur n’est pas propre au Chemin des Dames, mais les livres mentionnés indiquent bien le rôle qu’on leur donne. Que ce soit l’objet lui-même, qui rappelle le monde des civils, le Feu de Barbusse qui est présenté comme un signe de sympathie pour les mutins, ou encore un moyen pour les officiers de se distinguer socialement des soldats. Arthur Schlossmann, médecin dans l’armée allemande, reconstitue la bataille menée par César dans la plaine de Juvincourt et conclut son ouvrage par des propos antidémocratiques, souhaitant l’avènement d’un nouveau « César » cumulant pouvoirs militaires et civils et menant son pays à la victoire contre les Anglais, dont tous les maux proviendraient, comme à l’époque antique …
- De nombreuses lectures « expriment la disposition à une subversion antimilitariste. » Ainsi, le communiste allemand Peter Riss évoque en 1931 « l’esprit rebelle au Chemin des Dames » et présente le ras-le-bol des soldats côté allemand (sans jamais évoquer les mutins français), en le rattachant aux doctrines des théoriciens du mouvement ouvrier.
Les formes de la désobéissance : du chant à la mutinerie
- Joseph Jolinon, ancien combattant d’avril et avocat de soldats après la mutinerie de Coeuvres, publie en 1930 Les Revenants dans la boutique. A l’occasion du transfert de la tombe de son frère, le héros évoque l’offensive, qui se mêle totalement dans ses souvenirs avec les mutineries : « Louis était mort non d’une balle allemande mais d’un obus français. Une brume intense contrariait le réglage de l’artillerie, toutes les circonstances étaient défavorables, du vent, de la pluie, de la neige, une boue glaciale, un courage grelottant, des lignes hérissées de telles défenses que la veille, on n’y signalait aucune brèche, des glacis rapides à gravir à plein feu, des troupes d’assaut exagérément chargées : trois jours de vivres en vue d’une avance certaine vers Laon. Trois heures plus tard 70 000 malheureux fauchés dans la boue. Les protestations, les cris de Vive la paix, à bas la boucherie, la révolte gagnant l’arrière avec les relèves, l’enchaînement des mutineries, les conseils de guerre, les exécutions. » Son souci de réhabiliter les mutins et de montrer que leur action est liée avant tout à la défaillance du commandement est omniprésent.
- Pourtant, à l’exception de ceux de Jolinon, très peu d’ouvrages présentent en détails le déroulement des mutineries ou se placent du côté des mutins. En général, c’est un « messager » qui décrit ce qu’il a vu, dans La Peur de G. Chevallier ou dans Pain de soldat d’H. Poulaille par exemple. Comme souvent dans les écrits français (jamais en Allemagne), ce dernier ajoute à l’évocation des mutineries celle de la Chanson de Craonne ; son héros Louis Magneux explique : « Quand bien même on crèverait tous, elle resterait, elle, puisqu’elle avait tour à tour chanté les plateaux de Lorette, ceux de Verdun, ceux de Craonne. C’est la chanson née du peuple à la guerre. Elle est sans art, sans chiqué, elle est un cri. »
- La référence à la chanson ou à l’Internationale remplace souvent une description détaillée des mutineries, mais souvent pour disculper les révoltés et leur dénier toute conscience politique réelle.
- Jamais, même chez Didier Daeninckx ou Alice Ferney, le héros n’est un mutin actif et assumé. « Le mutin sobre et réfléchi qui a choisi de refuser l’ordre d’attaquer, d’abandonner la position et de rentrer à la maison ne semble pas avoir trouvé jusqu’à aujourd’hui de défenseur dans la littérature. »
La réception allemande : de la légende du coup de poignard dans le dos à l’amnésie
- Après la guerre, l’offensive allemande du 27 mai 1918 est utilisée pour démontrer qu’une armée victorieuse à cette date ne peut être défaite quelques semaines plus tard « sans qu’une trahison perfide et le défaitisme des civils en aient été la cause. » Erhard Wittek par exemple (Durchbruch anno 1918, 1933) écrit que son héros « a donné l’assaut au Chemin des Dames sans même le remarquer. » Comme beaucoup, Bruno Behm (Das war das Ende, 1933) évoque la théorie du complot, présentant de courageux soldats trahis par leur patrie.
- Comment expliquer le contraste entre la France, où le Chemin des Dames est encore aujourd’hui objet de productions culturelles et de polémiques et l’Allemagne d’après 1945, où il est pratiquement absent ? Le nazisme et la Seconde Guerre mondiale en sont sans doute la cause. Benno Reiffenberg résume la chose, lorsqu’il constate l’absurdité de son voyage sur les lieux où il a combattu : « Que dois-je chercher ici, pensa-t-il. Tout le monde a des souvenirs de choses autrement plus graves : je dois me débarrasser des miens. »
Source: Olaf Müller, « “Cette craie blanche, comme un squelette …” Représentations littéraires du Chemin des Dames en France et en Allemagne », in N. Offenstadt (dir.), op. cit., pages 321 à 340
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- Alors que Gabriel Chevallier écrit dans La Peur (1930) : « Mon tremblement intérieur répond au grand tremblement du Chemin des Dames », le lieu n’évoque rien en Allemagne dès les lendemains de la guerre sauf chez les anciens combattants et les historiens bien sûr).
- La littérature (au sens large) allemande est rare et de faible qualité (« ouvrages sans valeur et peu engageants »).
- En revanche, la production française qui donne une place centrale au Chemin des Dames est abondante jusqu’aujourd’hui, que ce soit en littérature, dans le cinéma ou même la chanson.
- Les romans allemands les plus célèbres ne citent pas explicitement le Chemin des Dames, même lorsque l’action s’y déroule, comme c’est le cas dans Krieg, de Ludwig Renn (1928). On devine le lieu par les endroits évoqués dans « l’un des rares romans sérieux qui, après 1945, traite encore de la Première Guerre mondiale », Ordung ist das ganze Leben. Roman meines Vaters, de Ludwig Harig (1986), dont le narrateur emprunte la RN 44 de Laon à Reims.
Le Chemin des Dames : de la réalité à la métaphore
- Côté allemand, dès 1917, « le contraste entre une région particulièrement calme et isolée et la brutalité exacerbée des conflits qui s’y déroulèrent structure presque tous les textes qui ont pour objet les combats du Chemin des Dames. » Les références historiques qui expliquent le nom du lieu reviennent aussi fréquemment, souvent sous forme de commentaires moqueurs ou « d’un discours antifrançais sur la décadence des mœurs. » « La contre-représentation […] que le lecteur allemand peut sans difficulté se faire à la lecture de tels passages est celle d’un monde militaire viril, renvoyant à la légende de l’ascétisme et de l’efficacité terrifiante de l’armée prussienne. »
- L’explication du nom revient aussi dans les romans français Hortense 14-18 de Cecil Saint-Laurent et, surtout, Le Chemin des Dames de Geneviève Dormann (1964). Dans ce dernier le héros, Brecey, est poursuivi toute sa vie par ces mots et ce qu’ils symbolisent d’héroïsme, de souffrance et d’héritage (son grand-père y ayant combattu) ; sa visite sur les lieux s’avère finalement décevante, et il conclut : « Le Chemin des Dames est un minuscule coin de France qui n’est même pas signalé sur les cartes routières. On peut très bien passer à côté. »
- En 1989, Jean Rousselot publie un recueil de poèmes en prose, Le Chemin des Dames et ses écarts. « Le sens métaphorique prédomine dans ce livre qui se laisse lire comme une sorte de roman d’apprentissage érotique et décrit le chemin sur lequel le je lyrique a pu, au cours de sa vie, approcher de nombreuses femmes. »
- « La dimension symbolique du Chemin des Dames qui, tel un verrou glissant d’ouest en est, bloquait les déplacements des Allemands du nord vers le sud et ceux des Français su sud vers le nord, est soulignée par beaucoup d’auteurs. »
- Ancien combattant des lieux, le journaliste allemand Benno Reifenberg y retourne dans les années 50. Il observe le Chemin des Dames depuis le versant nord de l’Ailette : « La crête en face n’était pas plus haute mais elle bouchait tout l’horizon vers le sud. Puissante, sans arbre ; on ne pouvait pas aller plus loin. Une barrière, attaquée et défendue du nord et du sud ; on se disait toujours : si seulement nous pouvions aller sur la crête d’est en ouest, alors il n’y aurait plus de front, il y aurait un chemin, il y aurait la paix ; mais il n’y avait pas de chemin ici, la crête était éventrée et il y avait là seulement cette craie blanche, comme un squelette. »
- Un parcours similaire est fait par Eugène Dabit, qui voyage à vélo entre Aisne et Ailette en 1936, sur les traces de son passé de soldat. « A ma droite, c’est Oulches, flambant neuf, méconnaissable, l’Oulches véritable c’est celui que je conserve précieusement dans mon souvenir, monceau de ruines. Une large vallée s’étend, avec des espaces verts ou nouvellement travaillés, des boqueteaux, des pentes douces, puis raides, qui viennent finir au Chemin des Dames. C’est cette crête qui se dessine finement sur le ciel, le Chemin des Dames. Je ne l’ai jamais vu comme aujourd’hui, parce que jamais je ne me suis tenu debout là où je suis, immobile, nous passions en vitesse, prêts à nous allonger contre terre. »
- On remarque l’importance du désir d’une vision d’ensemble chez tous les anciens combattants, dont le rêve souvent est d’être pilote d’avion. « Un champ de vision plus limité que celui de l’oiseau ou du pilote, mais auquel aspiraient tous les soldats allongés dans les vallées, était celui qu’on avait depuis le sommet de la crête, une vue libre et sans danger. »
Le paysage du Chemin des Dames : de l’Idylle à l’Enfer
- Dans Le Chemin des Dames en feu (1923), Georges Gaudy présente une vision idyllique des lieux : « Dans un vieux grenier, j’avais découvert l’Anabase [de Xénophon] et les Géorgiques [de Virgile], et mon caprice me portant d’un livre à l’autre, mes pensées s’harmonisaient avec ce décor bucolique où l’héroïsme à tout instant pouvait naître. A deux lieues à peine, le canon s’époumonait. » Cette vision des choses est commune à de nombreux anciens combattants des deux armées (alors que Verdun est parfois présenté comme un lieu fait pour se battre …).
- « Le recours à un modèle littéraire, pour exprimer le contraste saisissant entre le paysage dont la beauté passe pour extraordinaire et les boucheries humaines qui s’y sont déroulées de 1914 à 1918, est souvent un moyen pour essayer de comprendre ce paradoxe. L’idée la plus couramment exprimée est que la guerre est en contradiction naturelle avec l’atmosphère idyllique de la région. » Le pacifiste René Naegelen écrit dans Les Suppliciés (1927) « Le Chemin des Dames, dont le nom évoque toute la galanterie du XVIIIe siècle et qu’on imaginerait volontiers sous de charmants ombrages, est un plateau nu et désolé, déchiré par le fer, frémissant sous les coups. »
- Les auteurs utilisent aussi le champ sémantique de l’enfer pour décrire le terrain bouleversé par l’artillerie, comme c’est le cas sur tous les champs de bataille de la première guerre mondiale. Mais pour certains, surtout côté allemand, ce mot présente « une fascination latente ». Ces auteurs sont en général proches de l’extrême-droite ou du parti nazi. « “L’Enfer” doit plutôt être compris comme une atmosphère, qui incite les soldats à être toujours plus performants et donne aux survivants “descendus aux enfers” un prestige particulier. » Inversement, un auteur communiste comme Ludwig Turek critique l’utilisation du mot à des fins héroïsantes et se moque de l’enfer, qui lui paraît bien inoffensif face aux moyens militaires modernes ; il écrit en 1930 : « Pardon ? Seulement un diable ? Nous avons maintenant un autre mot, on dit : il hurla, il vola, il mentit, il trompa, il trafiqua, il roula des yeux, il falsifia les nouvelles, il assassina, il assassina des milliers de gens, il assassina des millions de gens comme un – général ! Avec ce mot, les gens savent de quoi on parle. »
- Les auteurs français utilisent la notion d’enfer avec moins de scrupules, que ce soit le pacifiste Ernest Florian-Parmentier dans L’Ouragan ou Henry Poulaille dans son roman autobiographique Pain de soldat (1937), ses héros se félicitant d’avoir été affecté près de la Royère, à 20 kilomètres de « l’enfer » de Craonne …
- « Yves Gibeau a particulièrement bien réussi à exprimer l’aspect infernal de la guerre, tout en reflétant, dans une forme minimaliste, la problématique générale de la citation littéraire » : son héros, Scalby, consulte les carnets de guerre de son père décédé puis s’écrie : « Cf. Dante … Et encore ! » (La guerre c’est la guerre, 1961)
Lire pendant la guerre
- Le soldat-lecteur n’est pas propre au Chemin des Dames, mais les livres mentionnés indiquent bien le rôle qu’on leur donne. Que ce soit l’objet lui-même, qui rappelle le monde des civils, le Feu de Barbusse qui est présenté comme un signe de sympathie pour les mutins, ou encore un moyen pour les officiers de se distinguer socialement des soldats. Arthur Schlossmann, médecin dans l’armée allemande, reconstitue la bataille menée par César dans la plaine de Juvincourt et conclut son ouvrage par des propos antidémocratiques, souhaitant l’avènement d’un nouveau « César » cumulant pouvoirs militaires et civils et menant son pays à la victoire contre les Anglais, dont tous les maux proviendraient, comme à l’époque antique …
- De nombreuses lectures « expriment la disposition à une subversion antimilitariste. » Ainsi, le communiste allemand Peter Riss évoque en 1931 « l’esprit rebelle au Chemin des Dames » et présente le ras-le-bol des soldats côté allemand (sans jamais évoquer les mutins français), en le rattachant aux doctrines des théoriciens du mouvement ouvrier.
Les formes de la désobéissance : du chant à la mutinerie
- Joseph Jolinon, ancien combattant d’avril et avocat de soldats après la mutinerie de Coeuvres, publie en 1930 Les Revenants dans la boutique. A l’occasion du transfert de la tombe de son frère, le héros évoque l’offensive, qui se mêle totalement dans ses souvenirs avec les mutineries : « Louis était mort non d’une balle allemande mais d’un obus français. Une brume intense contrariait le réglage de l’artillerie, toutes les circonstances étaient défavorables, du vent, de la pluie, de la neige, une boue glaciale, un courage grelottant, des lignes hérissées de telles défenses que la veille, on n’y signalait aucune brèche, des glacis rapides à gravir à plein feu, des troupes d’assaut exagérément chargées : trois jours de vivres en vue d’une avance certaine vers Laon. Trois heures plus tard 70 000 malheureux fauchés dans la boue. Les protestations, les cris de Vive la paix, à bas la boucherie, la révolte gagnant l’arrière avec les relèves, l’enchaînement des mutineries, les conseils de guerre, les exécutions. » Son souci de réhabiliter les mutins et de montrer que leur action est liée avant tout à la défaillance du commandement est omniprésent.
- Pourtant, à l’exception de ceux de Jolinon, très peu d’ouvrages présentent en détails le déroulement des mutineries ou se placent du côté des mutins. En général, c’est un « messager » qui décrit ce qu’il a vu, dans La Peur de G. Chevallier ou dans Pain de soldat d’H. Poulaille par exemple. Comme souvent dans les écrits français (jamais en Allemagne), ce dernier ajoute à l’évocation des mutineries celle de la Chanson de Craonne ; son héros Louis Magneux explique : « Quand bien même on crèverait tous, elle resterait, elle, puisqu’elle avait tour à tour chanté les plateaux de Lorette, ceux de Verdun, ceux de Craonne. C’est la chanson née du peuple à la guerre. Elle est sans art, sans chiqué, elle est un cri. »
- La référence à la chanson ou à l’Internationale remplace souvent une description détaillée des mutineries, mais souvent pour disculper les révoltés et leur dénier toute conscience politique réelle.
- Jamais, même chez Didier Daeninckx ou Alice Ferney, le héros n’est un mutin actif et assumé. « Le mutin sobre et réfléchi qui a choisi de refuser l’ordre d’attaquer, d’abandonner la position et de rentrer à la maison ne semble pas avoir trouvé jusqu’à aujourd’hui de défenseur dans la littérature. »
La réception allemande : de la légende du coup de poignard dans le dos à l’amnésie
- Après la guerre, l’offensive allemande du 27 mai 1918 est utilisée pour démontrer qu’une armée victorieuse à cette date ne peut être défaite quelques semaines plus tard « sans qu’une trahison perfide et le défaitisme des civils en aient été la cause. » Erhard Wittek par exemple (Durchbruch anno 1918, 1933) écrit que son héros « a donné l’assaut au Chemin des Dames sans même le remarquer. » Comme beaucoup, Bruno Behm (Das war das Ende, 1933) évoque la théorie du complot, présentant de courageux soldats trahis par leur patrie.
- Comment expliquer le contraste entre la France, où le Chemin des Dames est encore aujourd’hui objet de productions culturelles et de polémiques et l’Allemagne d’après 1945, où il est pratiquement absent ? Le nazisme et la Seconde Guerre mondiale en sont sans doute la cause. Benno Reiffenberg résume la chose, lorsqu’il constate l’absurdité de son voyage sur les lieux où il a combattu : « Que dois-je chercher ici, pensa-t-il. Tout le monde a des souvenirs de choses autrement plus graves : je dois me débarrasser des miens. »
Source: Olaf Müller, « “Cette craie blanche, comme un squelette …” Représentations littéraires du Chemin des Dames en France et en Allemagne », in N. Offenstadt (dir.), op. cit., pages 321 à 340
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vendredi 4 septembre 2009
M comme Moulia (Vincent)
- Soldat français
- Nassiet (Landes) 1888 – Nassiet 1984
- Vincent Moulia est mobilisé dès 1914 au sein du 18e RI. Il participe à la bataille de Verdun. Blessé à deux reprises, il obtient la Croix de guerre et devient caporal.
- Du 4 au 8 mai 1917, Moulia prend part aux combats qui permettent la « prise » de Craonne. Le 27 mai, à Villers-sur-Fère, alors qu’il se croit au repos pour un certain temps, le 18e RI apprend qu’il doit remonter au front. Une mutinerie éclate, mais tout rentre dans l’ordre le lendemain (l’alcool semble la cause principale du mouvement d’humeur des soldats). Cependant, les autorités militaires décident de juger 12 mutins à Maizy. Le 7 juin, le conseil de guerre prononce 5 condamnations à mort, dont celle de Vincent Moulia, qui n’est pas commuée par le président Poincaré.
- Mais Moulia parvient à s’enfuir la veille de son exécution, le 12 juin (à la faveur d’un bombardement allemand ?). Il se cache alors dans son village natal, puis à Pampelune en Espagne de 1918 à 1936, malgré l’amnistie de 1925, où il se marie avec sa fiancée.
- Dès l’entre-deux-guerres, des anciens combattants et des amis se mobilisent pour lui. « L’affaire Moulia est un des rares cas qui traverse la Seconde Guerre mondiale et se poursuit sans interruption jusqu’en 1979. [Elle est] un récit ininterrompu depuis 1917, modelé par les enjeux de chaque époque. » Les communistes en particulier jouent un rôle éminent dans les campagnes de presse.
- Pierre Durand lui consacre un livre, fait notamment de voyages sur les lieux de combat et de rencontres avec l’ancien soldat : Vincent Moulia – Mutins de 14-18 (réed. 2008).
- En juin 1979, il est invité par Alain Decaux dans son émission (Alain Decaux raconte : « Moi, Vincent Moulia, condamné pour l’exemple en 1917 »). C’est l’apogée de « l’affaire Moulia ». Les marques de solidarité se multiplient et il retrouve quelques temps plus tard, au cours d’une cérémonie (le 11 novembre) sa croix de guerre (qui ne lui avait en fait jamais été retirée officiellement !). Vincent Moulia devient même le héros de fictions.
- On finit par fausser la réalité et véhiculer la légende d’un tirage au sort des caporaux de la 18e RI (fusillés « pour l’exemple ») ; mais N. Offenstadt et D. Rolland montrent que l’on punit avant tout son indiscipline.
Source principale : N. Offenstadt, Les fusillés de la Grande Guerre et la mémoire collective (1914-1999), pages 168 à 176
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- Nassiet (Landes) 1888 – Nassiet 1984
- Vincent Moulia est mobilisé dès 1914 au sein du 18e RI. Il participe à la bataille de Verdun. Blessé à deux reprises, il obtient la Croix de guerre et devient caporal.
- Du 4 au 8 mai 1917, Moulia prend part aux combats qui permettent la « prise » de Craonne. Le 27 mai, à Villers-sur-Fère, alors qu’il se croit au repos pour un certain temps, le 18e RI apprend qu’il doit remonter au front. Une mutinerie éclate, mais tout rentre dans l’ordre le lendemain (l’alcool semble la cause principale du mouvement d’humeur des soldats). Cependant, les autorités militaires décident de juger 12 mutins à Maizy. Le 7 juin, le conseil de guerre prononce 5 condamnations à mort, dont celle de Vincent Moulia, qui n’est pas commuée par le président Poincaré.
- Mais Moulia parvient à s’enfuir la veille de son exécution, le 12 juin (à la faveur d’un bombardement allemand ?). Il se cache alors dans son village natal, puis à Pampelune en Espagne de 1918 à 1936, malgré l’amnistie de 1925, où il se marie avec sa fiancée.
- Dès l’entre-deux-guerres, des anciens combattants et des amis se mobilisent pour lui. « L’affaire Moulia est un des rares cas qui traverse la Seconde Guerre mondiale et se poursuit sans interruption jusqu’en 1979. [Elle est] un récit ininterrompu depuis 1917, modelé par les enjeux de chaque époque. » Les communistes en particulier jouent un rôle éminent dans les campagnes de presse.
- Pierre Durand lui consacre un livre, fait notamment de voyages sur les lieux de combat et de rencontres avec l’ancien soldat : Vincent Moulia – Mutins de 14-18 (réed. 2008).
- En juin 1979, il est invité par Alain Decaux dans son émission (Alain Decaux raconte : « Moi, Vincent Moulia, condamné pour l’exemple en 1917 »). C’est l’apogée de « l’affaire Moulia ». Les marques de solidarité se multiplient et il retrouve quelques temps plus tard, au cours d’une cérémonie (le 11 novembre) sa croix de guerre (qui ne lui avait en fait jamais été retirée officiellement !). Vincent Moulia devient même le héros de fictions.
- On finit par fausser la réalité et véhiculer la légende d’un tirage au sort des caporaux de la 18e RI (fusillés « pour l’exemple ») ; mais N. Offenstadt et D. Rolland montrent que l’on punit avant tout son indiscipline.
Source principale : N. Offenstadt, Les fusillés de la Grande Guerre et la mémoire collective (1914-1999), pages 168 à 176
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mercredi 2 septembre 2009
O comme Orme
- Ferme et plateau situés au Nord du fort de La Malmaison, proches de la N2 actuelle
- La zone est allemande jusqu’à l’automne 1917.
- Dans un premier temps, le secteur est en retrait du front. L’offensive Nivelle d’avril 1917, qui voit les Français progresser jusqu’aux hauteurs du Chemin des Dames, le transforme en secteur actif ; le boyau de l’Orme, à proximité de la ferme, permet aux soldats allemands d’atteindre les tranchées de première ligne.
- Le 23 octobre, lors de la bataille de La Malmaison, le 8e bataillon du RCIM (aidé par le 4e Zouaves) enfonce les tranchées allemandes, notamment celle de la Danse, s’infiltre dans le ravin de la Garenne, à gauche du plateau, et parvient à le contourner en passant par la droite et le bois des Pilleries. Le plateau de l'Orme est sous contrôle ...
- La ferme de l’Orme, entièrement ruinée, est reconstruite.
mardi 1 septembre 2009
M comme Many
- Ferme de la rive gauche de l’Ailette, près de Chavignon, sur les pentes du plateau
- Située en zone allemande dès septembre 1914, la ferme Many est un peu en retrait du front et n’a pas à subir directement les effets des combats, même pendant l’offensive Nivelle.
- Le 23 octobre 1917, c’est l’objectif fixé au RICM. Les soldats progressent de part et d’autre du plateau de l’Orme, par les bois de la Garenne à gauche, d’Entre 2 Monts et des Pilleries à droite. « Les unités de droite se regroupent sous le couvert du bois des Pilleries, exterminent ou ramassent des artilleurs puis dévalent sur la ferme Many en liaison avec le 4e Zouaves. […] « Comme c’est étrange ! Il y a une nature ici, une campagne, des bosquets … Pêcheraient-on à la ligne dans le canal au bord duquel des Allemands isolés se baladent ? » (R.-G. Nobécourt, op. cit., page 319)
- Entièrement détruite, la ferme Many est reconstruite au même endroit.